La traversée de la nuit, de Geneviève de Gaulle Anthonioz
En 1998, Geneviève de Gaulle, nièce du général, matricule 27 372, racontait son expérience du camp de Ravensbrück. Son quotidien fait d'humiliations. Isolée dans le bunker du camp, souffrant de pleurésie, de scorbut, priant, se récitant des poèmes, organisant des courses avec les cancrelats de sa cellule, offrant un cadeau à sa geôlière le jour de Noël !
"Pour le moment, je suis dans un bâtiment à l'intérieur du camp de Ravensbrück, appelé bunker. C'est une prison qui sert aussi de cachot. En ce cas il n'y a pas de couverture, ni de paillasse, le pain est distribué tous les trois jours, la soupe tous les cinq jours. La condamnation au bunker est accompagnée d'une bastonnade : vingt-cinq, cinquante ou soixante coups auxquels la détenue survit rarement. Nous savons tout cela au camp et aussi que des jeunes femmes, cobayes humains, ont subi dans ce lieu les horribles expériences du professeur Gebbardt".
"La porte s’est refermée lourdement. Je suis seule dans la nuit. A peine ai-je pu apercevoir les murs nus de la cellule. En tâtonnant je trouve le bat-flanc et sa couverture rugueuse et m’y allonge en essayant de renouer avec le rêve interrompu : tout à l’heure je marchais sur un chemin éclairé par la lune, une lumière si douce, si bienfaisante, et des voix m’appelaient. Soudain il n’y eut plus que le faisceau d’une lanterne, le visage effaré de notre chef de baraque, l’ordre rauque de me lever et l’ombre de deux SS. Cauchemar ou réalité ? Baty et Félicité, mes voisines de paillasse, se sont réveillées. Elles ont rassemblé quelques objets, dont mon quart et ma gamelle, m’ont aidée à descendre du châlit, m’ont embrassé. Quel sort m’attend ? Il arrive que les exécutions aient lieu ainsi la nuit."
"L’aube se lève à peine, c’est peut-être celle de l’espérance ?".
C’est la dernière phrase du récit. Foi et espoir en l'homme en une cinquantaine de pages, plus de cinquante ans apres les faits.
N'est-ce pas ce qui manque un peu aux "Bienveillantes", que je respecte et apprecie pour l'exploit litteraire, mais si sombre, si tourné vers les bourreaux, et ignorant leurs victimes?