LES BIENVEILLANTES, de Jonathan Littel
J’ai beaucoup hésité avant de me lancer dans ce livre. Je m’étais posé la question tout haut dans ce même blog ( http://lesfanasdelivres.canalblog.com/archives/2006/10/08/2862289.html ): et les réponses ont été très disparates : soit dithyrambiques, soit très négatives, mais ce livre ne laissait visiblement pas indifférent.
Donc, je me suis dit qu’il fallait essayer, que je ne pouvais me faire une opinion que par moi-même.
Bon avant de me lancer dans la critique effective, un point fort négatif : le livre est très lourd et porté à bout de bras dans mon lit, c’est très désagréable !!!.
Revenons à des choses plus sérieuses.
Est-ce que j’ai aimé lire ce livre ? Oui.
Oui, parce qu’il est très bien écrit, oui, parce qu’il permet d’ouvrir des débats d’idées intéressants : le concept de « race »; la facilité que peut avoir tout homme à suivre un leader même si celui-ci lui demande de faire des choses qu’il n’approuve pas (en découle le principe d’obéissance, surtout de la part des militaires); le parallèle qu’il peut y avoir entre deux extrêmes politiques : le communisme et le national-socialisme; la notion « d’inhumain »; le regret et la culpabilité « je ne regrette rien : j’ai fait mon travail, voilà tout ; », la responsabilité morale en temps de guerre…
Je n’ai pas toujours été d’accord avec ce qui été dit, loin de là (notamment quand il se défend en disant que tout homme dans sa situation aurait agi de même. J’ai l’espoir que cela est faux, que l’on pouvait être Allemand sans participer activement aux exactions). J’ai trouvé la troisième partie du livre longue et pénible à lire, mais dans l’ensemble et alors que je partais avec un a priori plutôt négatif, j’ai apprécié cette lecture et j’avais hâte de m’y replonger.
Je n’ai pas du tout été choquée par la violence du livre. Bien sûr il y a des passages difficiles, mais on sait tous ce qui c’est passé et comment ça c’est passé, autant ne pas l’oublier…
Je ne dirais pas que c’est le meilleur livre que j’ai lu, mais il a le mérite de présenter la guerre vu par un officier Allemand (humain bien que parfois proche de la folie) qui ne renie pas ce qu’il a fait, sans toutefois avoir approuvé les décisions, esquivant derrière l’obéissance « Qu’est ce que c’est d’autre, [un soldat allemand] qu’un bon père de famille qui voulait nourrir ses enfants, et qui obéissait à son gouvernement, même si en son for intérieur il n’était pas tout à fait d’accord ? S’il était né en France ou en Amérique, on l’aurait appelé un pilier de sa communauté et un patriote ; mais il est né en Allemagne, c’est donc un criminel. »
Voici un résumé du livre. Je n’ai pas réussi à faire plus court !!!
Dans la première partie du livre « Allemandes I et II », les faits se déroulent en 1940 à l’Est. Un début un peu lent, avec un homme qui s’inscrit au SS car ça lui donne la possibilité de ne pas payer l’université, au service de sécurité pour y cacher son homosexualité (cela lui permettra de ne pas être directement sur le front mais à la rédaction de rapport); Un homme qui se retrouve sur le front de l’est et qui est choqué par les exactions faites aux juifs par les ukrainiens «ce sont vraiment des sauvages, ici ».
Alors que la plupart des officiers fuient cette boucherie, lui décide de rester « si tous les homme honorables partent, il ne restera plus ici que les bouchers, la lie. On la fosse. Leurs
Tout au long de ses mutations, la question de la destruction du peuple juif lui pose des problèmes. Voilà la réponse d’un des officier avec lequel il en discute : « Les Juifs prient et oeuvrent pour notre défaite, et tant que nous n’aurons pas vaincu nous ne pouvons pas nourrir un tel ennemi en notre sein. Et pour nous autres, qui avons reçu la lourde charge de mener à bien cette tâche, notre devoir envers notre peuple, notre devoir de vrais nationaux-socialistes, est d’obéir. […] Nous devons accepter notre devoir de la même manière qu’Abraham accepte le sacrifice inimaginable de son fils Isaac exigé par Dieu. » On voit ici qu’ils se dissimulent derrière les décisions du Führer, pour se persuader qu’il y a une raison concrète à la destruction du peuple juif.
Il va d’ailleurs prendre fait et cause pour un peuple les « Bergjuden ». Des experts venus de Berlin doivent statuer sur leur sort : sont-ils de race juive ? Eux disent non, mais leurs ancêtres lointains étaient sans doute des émigrés juifs. Peut-on décider qu’un peuple est juif en raison de la religion de lointains ancêtres, ou doit-on prendre en compte leur méthode actuelle de vie, de langage ? …. Tout ceci amène à parler du fondement même du concept des races. Pour avoir refusé de les présenter comme juifs, il sera envoyé à Stalingrad (nous sommes en novembre 42)
La seconde partie du livre « Courante » est assez brève. Elle se situe pendant le siège de Stalingrad. Il nous décrit des hommes affamés, pouilleux, une atmosphère morbide, froide… Il va s’en sortir par miracle….
Le troisième chapitre « Sarabande » ne m’a pas du tout intéressée. C’est une suite d’élucubrations sur sa convalescence, ses amours incestueux avec sa sœur jumelle. Le passage est long, glauque, lubrique, n’ayant aucun rapport avec la guerre. Cela
La quatrième partie « Menuet » nous plonge dans les camps d’extermination. Il va devoir les visiter les uns après les autres pour écrire son rapport : « en sélectionnant les Juifs les plus forts ou les plus spécialisés, en les concentrant ou en les surveillant de manière adéquate, on pouvait certainement fournir une contribution non négligeable à l’économie de guerre ».
Même si il peut nous paraître humain dans ses demandes (une nourriture et un traitement décent pour les prisonniers), il ne considère en fait les juifs que comme du bétail, qui doit être en bonne forme pour effectuer des travaux forcés. Mais il ne s’approche que rarement des exactions, ayant plutôt un travail de bureau.
Il nous parle aussi de plus en plus directement, en nous apostrophant au lieu de décrire une histoire, cherchant à se justifier « J’aurais peut-être dû faire autre chose, me diriez vous, c’est vrai […] mais que voulez-vous, dans une autre vie peut-être, car dans celle-ci je n’ai jamais eu le choix, un peu, bien sûr, une certaine marge de manœuvre, mais restreinte, à cause de fatalité pesantes …. »
On en arrive à la fin de l’Allemagne et au cinquième chapitre : Air. Berlin est touché. Une nouvelle convalescence va le replonger dans ses démons d’enfances. On trouve alors des pages et des pages de délires obscènes… Très bof….
La dernière partie gigue nous explique comment il s’en est sortit, se faisant passer pour un français du STO.
Voilà !!! Quinze jours de lecture intense (et je lis vite !!), sans lâcher le bouquin (je ne sais pas lire deux livres à la fois). J’avoue que j’ai hâte de me plonger dans un petit livre « léger », mais je ne regrette pas la lecture de ce livre.