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le blog des fanas de livres
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7 janvier 2007

LES BIENVEILLANTES, de Jonathan Littel

Les_bienveillantesParution 08/2006

J’ai beaucoup hésité avant de me lancer dans ce livre. Je m’étais posé la question tout haut dans ce même blog ( http://lesfanasdelivres.canalblog.com/archives/2006/10/08/2862289.html ): et les réponses ont été très disparates : soit dithyrambiques, soit très négatives, mais ce livre ne laissait visiblement pas indifférent.

Donc, je me suis dit qu’il fallait essayer, que je ne pouvais me faire une opinion que par moi-même.

Bon avant de me lancer dans la critique effective, un point fort négatif : le livre est très lourd et porté à bout de bras dans mon lit, c’est très désagréable !!!.

Revenons à des choses plus sérieuses.

Est-ce que j’ai aimé lire ce livre ? Oui.

Oui, parce qu’il est très bien écrit, oui, parce qu’il permet d’ouvrir des débats d’idées intéressants : le concept de « race »; la facilité que peut avoir tout homme à suivre un leader même si celui-ci lui demande de faire des choses qu’il n’approuve pas (en découle le principe d’obéissance, surtout de la part des militaires); le parallèle qu’il peut y avoir entre deux extrêmes politiques : le communisme et le national-socialisme; la notion « d’inhumain »; le regret et la culpabilité « je ne regrette rien : j’ai fait mon travail, voilà tout ; », la responsabilité morale en temps de guerre…

Je n’ai pas toujours été d’accord avec ce qui été dit, loin de là (notamment quand il se défend en disant que tout homme dans sa situation aurait agi de même. J’ai l’espoir que cela est faux, que l’on pouvait être Allemand sans participer activement aux exactions). J’ai trouvé la troisième partie du livre longue et pénible à lire, mais dans l’ensemble et alors que je partais avec un a priori plutôt négatif, j’ai apprécié cette lecture et j’avais hâte de m’y replonger.

Je n’ai pas du tout été choquée par la violence du livre. Bien sûr il y a des passages difficiles, mais on sait tous ce qui c’est passé et comment ça c’est passé, autant ne pas l’oublier…

Je ne dirais pas que c’est le meilleur livre que j’ai lu, mais il a le mérite de présenter la guerre vu par un officier Allemand (humain bien que parfois proche de la folie) qui ne renie pas ce qu’il a fait, sans toutefois avoir approuvé les décisions, esquivant derrière l’obéissance « Qu’est ce que c’est d’autre, [un soldat allemand] qu’un bon père de famille qui voulait nourrir ses enfants, et qui obéissait à son gouvernement, même si en son for intérieur il n’était pas tout à fait d’accord ? S’il était né en France ou en Amérique, on l’aurait appelé un pilier de sa communauté et un patriote ; mais il est né en Allemagne, c’est donc un criminel. »


Voici un résumé du livre. Je n’ai pas réussi à faire plus court !!!   Littel

Dans la première partie du livre « Allemandes I et II », les faits se déroulent en 1940 à l’Est. Un début un peu lent, avec un homme qui s’inscrit au SS car ça lui donne la possibilité de ne pas payer l’université, au service de sécurité pour y cacher son homosexualité (cela lui permettra de ne pas être directement sur le front mais à la rédaction de rapport); Un homme qui se retrouve sur le front de l’est et qui est choqué par les exactions faites aux juifs par les ukrainiens «ce sont vraiment des sauvages, ici ».

Alors que la plupart des officiers fuient cette boucherie, lui décide de rester « si tous les homme honorables partent, il ne restera plus ici que les bouchers,

la lie. On

ne peut pas l’accepter ». Pourtant, il est écœuré (au sens propre comme au figuré) par le massacre des juifs, n’en comprend pas l’intérêt « Aussi brutalisés et accoutumés fussent-ils, aucun de nos hommes ne pouvaient tuer une femme juive sans songer à sa femme, sa sœur ou sa mère, ne pouvait tuer un enfant juif sans voir ses propres enfants, devant lui dans

la fosse. Leurs

réactions, leur violence, leur alcoolisme, les dépressions nerveuses, les suicides, ma propre tristesse, tout cela démontrait que
l’autre existe, existe en tant qu’autre, en tant qu’humain, et qu’aucune volonté, aucune idéologie, aucune quantité de bêtise et d’alcool ne peut rompre ce line, ténu mais indestructible. Cela est un fait et non une opinion ».

Tout au long de ses mutations, la question de la destruction du peuple juif lui pose des problèmes. Voilà la réponse d’un des officier avec lequel il en discute : « Les Juifs prient et oeuvrent pour notre défaite, et tant que nous n’aurons pas vaincu nous ne pouvons pas nourrir un tel ennemi en notre sein. Et pour nous autres, qui avons reçu la lourde charge de mener à bien cette tâche, notre devoir envers notre peuple, notre devoir de vrais nationaux-socialistes, est d’obéir. […] Nous devons accepter notre devoir de la même manière qu’Abraham accepte le sacrifice inimaginable de son fils Isaac exigé par Dieu. » On voit ici qu’ils se dissimulent derrière les décisions du Führer, pour se persuader qu’il y a une raison concrète à la destruction du peuple juif.

Il va d’ailleurs prendre fait et cause pour un peuple les « Bergjuden ». Des experts venus de Berlin doivent statuer sur leur sort : sont-ils de race juive ? Eux disent non, mais leurs ancêtres lointains étaient sans doute des émigrés juifs. Peut-on décider qu’un peuple est juif en raison de la religion de lointains ancêtres, ou doit-on prendre en compte leur méthode actuelle de vie, de langage ? …. Tout ceci amène à parler du fondement même du concept des races. Pour avoir refusé de les présenter comme juifs, il sera envoyé à Stalingrad (nous sommes en novembre 42)

La seconde partie du livre « Courante » est assez brève. Elle se situe pendant le siège de Stalingrad. Il nous décrit des hommes affamés, pouilleux, une atmosphère morbide, froide… Il va s’en sortir par miracle….

Le troisième chapitre « Sarabande » ne m’a pas du tout intéressée. C’est une suite d’élucubrations sur sa convalescence, ses amours incestueux avec sa sœur jumelle. Le passage est long, glauque, lubrique, n’ayant aucun rapport avec

la guerre. Cela

permet juste à l’auteur de nous justifier son homosexualité, et de nous annoncer un revirement complet. Alors qu’il souhaitait travailler dans un service juridique international, loin de la question juive qui le mettait mal à l’aise, il va, par dépit, accepter de travailler avec Himmler afin d’établir un rapport sur « le circuit d’affectation des détenus pour l’économie et le gazage des inaptes au travail ».

La quatrième partie « Menuet » nous plonge dans les camps d’extermination. Il va devoir les visiter les uns après les autres pour écrire son rapport : « en sélectionnant les Juifs les plus forts ou les plus spécialisés, en les concentrant ou en les surveillant de manière adéquate, on pouvait certainement fournir une contribution non négligeable à l’économie de guerre ».

Même si il peut nous paraître humain dans ses demandes (une nourriture et un traitement décent pour les prisonniers), il ne considère en fait les juifs que comme du bétail, qui doit être en bonne forme pour effectuer des travaux forcés. Mais il ne s’approche que rarement des exactions, ayant plutôt un travail de bureau.

Il nous parle aussi de plus en plus directement, en nous apostrophant au lieu de décrire une histoire, cherchant à se justifier « J’aurais peut-être dû faire autre chose, me diriez vous, c’est vrai […] mais que voulez-vous, dans une autre vie peut-être, car dans celle-ci je n’ai jamais eu le choix, un peu, bien sûr, une certaine marge de manœuvre, mais restreinte, à cause de fatalité pesantes …. »

On en arrive à la fin de l’Allemagne et au cinquième chapitre : Air.  Berlin est touché. Une nouvelle convalescence va le replonger dans ses démons d’enfances. On trouve alors des pages et des pages de délires obscènes… Très bof….

La dernière partie gigue nous explique comment il s’en est sortit, se faisant passer pour un français du STO.

Voilà !!! Quinze jours de lecture intense (et je lis vite !!), sans lâcher le bouquin (je ne sais pas lire deux livres à la fois). J’avoue que j’ai hâte de me plonger dans un petit livre « léger », mais je ne regrette pas la lecture de ce livre.

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Commentaires
G
@ Jean Yves : belle découverte en forme de coup de poing. C'est sûr que ce livre ne laisse pas indifférent.
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J
J'ai 46 ans, j'ai découvert à l'adolescence les livres de Christian Bernadac, jeune adulte, ce furent "La mort est mon métier", puis Primo Levi, vers trente ans, Shoah de Claude Lanzman, et puis encore Jorge Semprun... Sur un autre mode, il y a eu "la vie est belle". Je ne suis pas les prix littéraires (qui ont oublié Céline par exemple), et au hasard des rayons d'une FNAC de province, je demande "Les Bienveillantes", un souvenir vague d'une écoute distraite d'une émission radiophonique...<br /> <br /> Surpris par le livre (tiens, on écrit encore plus de 300 pages me dis-je), intéressé aussi (prosaïquement, je vais occuper cet arrêt maladie imprévu).<br /> <br /> Deux lignes, puis trente pages... Comme un coup de poing et ce n'est que le "pourquoi" du livre. Une première nuit, un arrêt épuisé à 2 heures du matin, quelques heures d'un sommeil agité, le temps qui s'arrête. Ce livre qui m'entraine ailleurs, mais vers où... <br /> <br /> Quelques jours plus tard, je le repose... Un écrivain,pas un romancier, pas un essayiste non, j'ai découvert un écrivain, le premier de ce siècle qui commence !
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G
@ agnès : je viendrai le lire...
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A
Je termine la lecture des Bienveillantes qui m'a tenue en haleine pendant trois semaines et qui m'a passionée. C'est hyper bien documenté, j'ai appris des choses sur la guerre et sur les langues du Caucase. En même temps on entre dans la tête du personnage et on découvre comment une idéologie perverse a pu mener un peuple au crime contre l'humanité en s'appuyant sur des blessures personnelles. C'est un livre qui pousse à réfléchir. Je m'attèle maintenant au compte-rendu.
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G
@ Sylvie ; je te comprends, je n'arrive pas à prendre des livrs sur la guerre depuis que j'ai lu celui là. Il faut du temps pour le "digérer"
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S
Je fais partie des lecteurs des bienveillantes...<br /> J'ai eu du mal à le lire, et pourtant, quand je l'ai commencé je n'ai pas arrêté et je n'ai rien lu d'autre en parrallèle. (Je ne pouvais pas). Malgré tout, ma lecture a été particulièrement lente. Je le lisais à petite dose. Temps nécessaire de prise de distance ? Sujet trop lourd ? questionnements incessants sur les propos tenus, sur le propos tout court.<br /> Quel argument l'auteur a-t-il voulu nous tenir ? s'agit-il d'une démonstration ? Comment est-il advenu un projet d'écriture aussi monumental ? Est-il possible que ce soit l'oeuvre d'un seul auteur et qui plus est que ce soit un premier roman... Je ferai peut-être un commentaire sur cette lecture qui m'a dérangée, et qui a même provoqué chez moi un certain malaise. Mais il me faut encore du temps et de la réflexion...
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A
Un pavé dans la marre dévoré dès sa sortie...<br /> Plus qu'un roman, on dirait un rapport scientifique dans sa présentation (à peine de temps en temps un paragraphe).<br /> Lourd et épais comme ce qu'il raconte. <br /> Mais qui se lit d'une traite (des hommes?), avec la froideur glaciale de l'impensable, et quand on le referme parfois, c'est toujours avec peine qu'on retrouve 2006 et que la nausée s'évapore...<br /> Et on se dit : et si? moi? comment? qu'aurais-je...?<br /> Mais ces questions font trop peur... Alors on se replonge dans le noir de cette lecture.
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G
Je suis assez d'accord sur le fait qu'il est assez rare d'être en harmonie avec un roman sur ce genre de sujet. Les digressions autour, ne peuvent forcément pas convenir à tout le monde. Je pense en effet que tous nous pouvons qu'être dérangés par un récit vécu sur cette époque.<br /> Alors pourquoi autant de foin !<br /> <br /> Ok, Ok je sais, je ne l'ai pas lu.
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G
@ Anne-Sophie : j'avoue que j'aurais bien aimé lire autre chose en même temps, mais je n'y suis jamais arrivée !!!
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A
Bravo : tu es parvenue à le finir en quinze jours ! De mon côté, je continue ma chronique des Bienveillantes mais je prends mon temps. Contrairement à toi, je n'aime pas lire un livre à la fois et l'idée de passer quinze jours intenses sur un même bouquin me désole...<br /> Raviue que ce livre t'ait plu.<br /> <br /> A bientôt
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G
@Patch : c'est vrai que maintenant ça m'interesserait de lire ce genre de livre. Mais je vais attendre un tout petit peu, reprendre mon souffle...
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P
Ce sinistre côté de la 2ème guerre me touche énormément et j'ai pas mal lu dans le domaine. Je posséde pas mal d'ouvrages d'ailleurs sur le sujet...Histoire des camps, témoignages, journal etc...Et il existe des livres qui ont été écrits des deux côtés, aussi bien français (allié) qu'allemand et qui sont très interressant à lire pour justement essayer de comprendre. Mais comme dit bellesahi, contrairement au livre de Jonathan Littel qui est une fiction, j'aurais tendance à rester dans le vrai, ce qui donnera au récit une force car tu saura que ce que tu lis c'est passé, a été vu par les yeux de celui qui le raconte....Et si tu as aimé son livre, alors je te conseillerais (en beaucoup plus court et tout aussi fort),la confession de Rudolf Hoess, qui a été à la base de la conception du camp d'Auschwitz (et le commandant de ce camp) par le biais d'Himmler. Confession qui a été écrite en cellule lors de son procés et sous les conseils de son avocat.... Il fut pendu le 7 avril 1947 dans ce même camp. (dsl j'ai fait un peu long ;o ) )
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L
C'est un livre qui est sur ma liste lecture, mais quand je vois le gros pavé... je suis un peu decouragée ^^
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C
Oui, de temps en temps ! :-)
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G
@ Clarabel : les gros livres c'est lourds et longs à lire, mais un de temps en temps ...
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C
Bon ce n'est pas du tout ta faute mais je n'ai toujours pas envie de m'y plonger, je n'aime pas trop les "gros" livres, voilà pourquoi je fais un clin d'oeil aux chroniques de BebeBook qui met en avant les romans tout fins mais bien consistants !!! :-)
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G
@ choupynette : je crois qu'il faut être prête pour lire ce livre, si on le lit sans avoir vraiment envie, ça risque vite d'être un mauvais moment ....
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C
très bonne critique. Je reste tout de même réticente à tenter l'expérience. Je suis la chronique d'anne-sophie, qui nous fait partager sa lecture de c elivre au fur et à mesure... peut-être un jour!
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G
@ Bellesahi : c'est vrai que ça reste un roman et que ça ne remplacera pas des livres comme celui de Primo Levi, mais c'est quand même très bien écrit et dérangeant, donc intéressant<br /> <br /> @ Jo : un sacré pavé ou les passages de délires sexuels pourraient être enlevés. Le reste n'est jamais trop long ...
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J
pour ma part je suis tjrs un cours de lecture des bienveillantes (ben oui, c'est un sacré pavé, qd même...) et je confime ta critique : c'est un grand livre, extrêmement bien écrit, mais aussi très dérangeant, malsain. mais comme disait andré gide : "Ce n'est pas avec de bons sentiments qu'on fait de la bonne littérature", alors...
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B
Je ne lirai toujours pas ce livre même après ta critique. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il a eu envie d'écrire un livre sur ce sujet. Je ne peux pas m'empêcher de penser que l'auteur se sert d'un sujet fort pour l'intéret de son livre. Pour moi rien ne vaut les témoignages de ceux qui ont été là-bas et qui en sont revenus blessés dans leur âme à tout jamais.
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G
@Florinette : c'est pourquoi je suis loin d'être toujours d'accord avec lui : il est sans regret et considère q'on aurait fait comme lui, or il a fait du zèle et finit Colonel...<br /> <br /> @ Cathulu : ce n'est pas un exploit car j'ai aimé me replonger dans ce livre, mais c'est vrai que ça m'a pris pas mal de temps !!!
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F
Même en lisant ton super article, je ne suis toujours pas tentée de lire ce livre et quand je lis les extraits "Pourtant, il est écœuré (au sens propre comme au figuré) par le massacre des juifs, n’en comprend pas l’intérêt..." moi je ne lui trouve aucune excuse d'être resté. Si tous ces hommes c'étaient rebellés contre ce dictateur au lieu de fuir ou d'obéir rien ne serait arrivé !
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C
Bravo pour l'exploit, Gambadou !
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