present  O8 / 2006 - 210 p    coup_de_coeur

J'aime beaucoup l'écriture de Jeanne Benameur, incisive, courte, vive. C'est avec plaisir que je l'ai retrouvé dans ce livre sur l'éducation nationale. Jeanne Benameur est une ancienne enseignante dans les établissements de banlieue. Les émeutes de 2005 sur lesquels se terminent le livre l'ont inspirée.

En tant qu'ancienne "cancre", abonnée aux 0 en dictée malgré ma boulimie de lecture, toujours dans le peloton de queue des classements, aimant juste qu'on me laisse tranquille dans mon coin, j'ai retrouvé toute cette ambiance de classe.

Un lycée de banlieue, le conseil de classe de la fin de troisième va avoir lieu ce soir, déterminant l'orientation des élèves. On découvre la psychologie des élèves et des professeurs : la jeune prof en première année qui "craque" et n'arrive pas à s'imposer, la documentaliste qui, par le biais d'atelier d'écriture, essaye d'intéresser les élèves, le prof de français qui n'arrive plus à lire, l'élève immigré rempli de violence, la jeune fille artiste, persuadée de sa médiocrité et perdue dans ce monde austère, le parent d'élève FN … autant de figures que la plume précise de Jeanne Benameur traite avec beaucoup de souplesse et de tendresse.

J'ai adoré les passages sur la lecture, l'ambiance de la classe, les bobos de chacun. Mais c'est aussi un conte que nous décrit Jeanne Benameur : l'amour de deux élèves, les profs qui vont "repêcher" des élèves en bout de course...

Un beau livre plein d'émotion.

Extraits : "Au collège, la sonnerie délivre ou désespère. Elle surprend rarement. L'école est habitué à la cloche. Comment l'imaginer autrement?

Qu'on ait adouci la sonnerie de trois notes d'aéroport ou qu'elle déchire l'oreille comme s'il fallait évacuer d'urgence en bâtiment en flammes, c'est toujours en leur tirant les oreilles qu'on rappelle à tous que le temps oblige.

On sonne pour que les gens se mettent en marche, que ce soit vers l'église, l'usine ou le combat. La sonnerie du collège ne fait que préparer à la suite d'une vie. L'horloge plantée au mur de la classe, la montre au poignet de chacun, ne suffisent pas? Non. On veut être sûr qu'au même instant, tous entendent et obéissent. Ah. Pourrait-on rêver une autre façon de vivre ensemble?

Les fronts se relèvent, les doigts attrapent stylo, règles, feuilles, les bustes se penchent vers les sacs. Ça sonne. L'écoute, le regard, ne peuvent plus être les mêmes. C'est mécanique et c'est ainsi."

"Pour lire, il faut accepter de ne rien faire. Ouvrir le temps à une page vierge et se foutre de tout le reste".

"Chacun est seul avec les mots. C'est la solitude précieuse de la lecture. Celle qui rend à soi même."

Ce livre de Laure et de Florinette