Le boulevard périphérique, de Bauchau Henry
Quelle intensité ! Une lecture tendue et fluide, une justesse des mots sublime..
Et pourtant j'ai hésité à lire ce livre... le thème d'une jeune femme mourant d'un cancer était trop proche de ce que j'ai vécu récemment avec une amie. J'avais peur de me retrouver dans la douleur, la tristesse.
Bien sûr ce livre n'est pas gai, mais il est tellement bien écrit que partager les sentiments du narrateur est un plaisir immense.
Le narrateur est âgé, il va tous les jours voir sa belle fille qui se meurt d'un cancer à l'hôpital. Pour ce faire, il emprunte un trajet immuable, en transport en commun ou voiture, ou il traverse tout Paris. Lors de ces trajets, lui revient en mémoire la mort de son meilleur ami, Stéphane, lors de la seconde guerre. Une mort injuste d'une personne jeune, comme l'est celle de sa belle-fille, Paule. La mort est alors vécue comme une rupture inacceptable.
La respiration saccadée de Paule se retrouve dans la circulation du périphérique encombré, l'oppression des embouteillages se rapporte au chagrin... les voitures continuent de rouler sans fin dans une éternité de bruit contrairement au silence de l'hôpital.
Deux histoires se construisent alors en parallèle : celle de Paule et de sa famille, pris dans le tourbillon de la maladie, et celle de Stéphane et Shadow, son bourreau allemand, que la narrateur a rencontré pour essayer de comprendre la mort de son ami.
J'ai juste parfois eu un peu de mal avec cette double histoire, notamment quand nous avons les rencontres avec cet officier allemand si dur. Mais le livre est tellement bien écrit que tout passe...
Ce livre a reçu le prix du livre Inter 2008. C'est un coup de coeur pour Sylire, Bellesahi a aussi été séduite.
Extraits : (je n'arrive pas à n'en choisir qu'un ! mon livre est truffé de post-it !)
"A un dialogue de regards, un dialogue sans paroles entre nous, parce que nous ne nous sommes presque rien dit et c'est autre chose que des paroles que nous échangeons. Ce qui se passe ici et maintenant, ce qui nous a poussés à venir ici l'un et l'autre à travers tant de difficultés, il est clair que si nous étions un homme et une femme on penserait que c'est de l'amour. Et c'est cela sans doute., je suis prêt, lui aussi, à le reconnaître mais je suis arrêté parce qu'il y a entre nous ni désir, ni possession. Il n'entrera pas dans mon avoir, ni moi dans le sien. Il est hors mots d'amour, hors mots sexuels. Tout se passe dans l'échange de regards dont bientôt nous allons être privés."
"Autrefois, je pensais qu'il fallait écrire avec des cailloux blancs afin de pouvoir retrouver son chemin. Aujourd'hui, je voix qu'un peu de mie de pain suffit et qu'il faut avancer dans l'obscurité en se servant des traces confuses laissées dans la forêt, de ce qui reste de lumière et si je vois, comme aujourd'hui, la lampe de la maison de l'ogre, je suis content, car elle éclaire cette page ou je parviendrai peut-être à faire apparaître la plus intime des écritures, celle de nos grands prédateurs."
"Qu'est ce qu'on veut quand on ne veut plus vouloir? quand on est dans les encombrements on peut s'énerver, on peut patienter, on ne peut plus vouloir. Ne plus vouloir, est ce que ce n'est pas encore vouloir quelque chose? Que faut-il faire pour sortir complètement du vouloir?"