Le soldat et le gramophone, de Stanišic Saša
Parution 08/08 – 375 p – traduit de l’allemand
Difficile de faire une critique de ce livre. Ma belle sœur me l’a passé en me disant qu’elle n’avait pas réussi à aller au-delà de la page 20…. Je l’ai mis à tourner dans mon groupe littéraire, et celle qui l’a emprunté est revenue en disant que c’était intéressant, mais qu’elle n’avait pas réussi à passer la page 50…. De quoi titiller ma curiosité !
Me voilà donc avec ce livre et un a priori plutôt négatif… et j’ai été happée…. (et pourtant j’ai été tentée plusieurs fois de le laisser tomber). Donc, pourquoi ?
- J’ai été déstabilisée par l’écriture déstructurée. Non seulement dans les chapitres ou l’on passe du passé au présent, mais aussi dans l’écriture même, assez hachée, comme si on suivait une pensée qui passe d’un point à un autre sans trop de liaison. Pourtant, c’est cette écriture originale qui fait tout le livre. Ainsi, comprendre la guerre par les yeux d’un garçon de quatorze ans qui va s’arrêter sur des détails comme les jeux des enfants dans la cave pendant les bombardements, les mères retenant les enfants, le repas des soldats… donnent un aspect très concret à l’histoire.
- J’ai apprécié l’histoire, qui est celle de la guerre de Yougoslavie, parce que c’est une époque très récente dont je sais très peu de chose. J’ai regretté qu’il n’y ait pas une carte, ce qui m’a obligé à me plonger dans mon dictionnaire pour mieux situer le roman.
- J’ai aimé l’émotion palpable de ce garçon qui ne se rend pas compte de l’horreur de la guerre mais sait d’instinct qu’il doit cacher l’origine bosniaque de son amie, pour la sauver.
- Je pense que cette histoire est largement autobiographique, même si il s’agit d’un roman. En effet, l’auteur né de mère bosniaque et de père serbe, a 14 ans quand il doit fuir en 1991 la ville de Višegrad pour aller trouver refuge en Allemagne. Soit le parcours exact du jeune Alexsandar Krsmanović dans le roman.
Un roman que je garderai en mémoire mais qui est parfois difficile à lire. Il faut s’accrocher, mais ça en vaut vraiment le coup !
Extrait : « De quoi t’as envie ? demande plus tard ma mère, quand tout le monde est parti et que je suis déjà couché. Elle me qualifie de son «camarade en chef des pêcheurs ». Elle sait combien j’aime le mot « camarade en chef ». Il faut parler avec douceur aux vainqueurs fatigués.
Je voudrais que tout reste bien pour toujours, voilà ma réponse.
Et bien c’est quoi ? demande maman en s’asseyant sur le bord de mon lit.
C’est quand ce soir tu me prépares des sandwichs pour demain et que demain j’ai le droit d’aller pêcher et que tu ne te fais pas de souci parce que tu ne sais pas où je suis et que grand-père sera toujours vivant et que vous tous vous serez aussi toujours vivants et que les poissons ne cesseront pas de nager dans la rivière et qu’Osijek va arrêter de brûler et que l’an prochain l’Etoile rouge gagnera encore la Coupe d’Europe et que jamais grand-mère Katarina ne sera en panne de voisines et de café et que, en réalité, Nena Fatima entend tout même si elle n’entend rien, que les maisons font de la musique et qu’à partir de maintenant, immédiatement, personne n’aura à se casser la tête à propos de la Croatie et qu’il y a des petites cases pour y mettre des goûts de telle sorte que nous puissions les échanger les uns avec les autres et nous ne devons pas oublier comment on fait pour se serrer dans les bras les uns des autres et…
Les lèvres de ma mère tremblent. D’accord, dit-elle, et c’est la première fois depuis qu’il y a des premières fois en la matière qu’elle ne dit pas : Mais ne va pas trop loin. »