La couleur de l'aube, de Lahens Yanick
Roman français, ou plutôt roman francophone puisque Yanick Lahens est Haïtienne. J'ai eu ce livre entre les mains à la suite d'une manifestation "l'algue d'or" organisée pour la deuxième année par la librairie de mon village de vacances. Ils nous proposent la lecture de cinq livres venant de cinq pays différents, mais écrits en français. La couleur de l'aube est le premier que je lis.
Angélique, Joyeuse et Fignolé vivent tous les trois dans un faubourg de Port-au-PrincePort-au-Prince, avec leur mère. Dans la ville, les tirs et la violence sont légions, témoins d'une lutte contre le pouvoir en place. Or ce matin, Fignolé n'est pas rentré. Jeune rasta, guitariste dans un groupe, il est aussi militant déçu et traîne sa jeunesse et son mal-être dans les manifestations et les débordements. Angélique et Joyeuse vont aller à la recherche de leur frère et vont tour à tour prendre la parole pour dresser un tableau sans complaisance de leurs vies, leurs espoirs, leurs regrets.
Joyeuse tout d'abord. Elle a vingt ans, est belle et pulpeuse et travaille comme vendeuse dans un magasin de mode des beaux quartiers. Elle parait insouciante mais cache en fait un désir vriller au corps : quitter cette vie de misère pour partir trouver le bonheur ailleurs. Pour ce faire, elle a décidé de refuser toute attache.
Angélique ensuite, la soeur aînée, qui a eu un enfant de sa première étreinte amoureuse. Infirmière à l'hôpital, elle donne l'image d'une femme de trente ans résignée et tournée vers Dieu. Mais au fond d'elle même vit encore la passion et l'espoir.
Et puis il y a la mère, une femme de tête qui suit les croyances vaudoues.
Une écriture très ciselée, recherchée, comme on la retrouve dans les livres de Marie N'Diaye ou Alain Mabanckou. Une noirceur avec le témoignage sans concession de la vie quotidienne haïtienne.
Un livre fort qui marque. Antigone a beaucoup aimé.
Extrait : "Face à l'irrémédiable et l'infernal, nous allions réagir tous les trois de façon différente : Fignolé dans la bravade absolue, dans l'entêtement à mettre à distance les séductions qui tentent de faire oublier la cruauté du monde. Joyeuse dans l'affrontement de biais. Et moi dans la soumission du monde tel que Dieu l'avait crée."