Un territoire fragile, de Fottorino Eric
Pour la fête de l'école des enfants, je monte un stand "braderie de livres" (comment ça je suis accros ?). L'amie avec laquelle je tiens le stand m'a indiqué ce livre en me disant "celui là, lis le, il est vraiment extra". Un grand merci Zaza pour ce conseil.
Clara arrive en Norvège pour un poste de biologiste au sein de l'Institut Océanographique. Le jour de son arrivée, son corps se recouvre d'eczéma. On l'envoi chez un "accordeur", non pas un accordeur d'instrument, mais un accordeur de corps humain, un homme capable de desceller sous ses mains les tensions et les rébellions pour les redresser. Face à Clara, il se trouve devant un mystère : comment une jeune femme peut-elle contenir tant de tension ? une jeune femme qui refuse qu'on la touche....
La voix de Clara et celle de l'accordeur s'alterne de chapitre en chapitre. L'une nous livre son enfance sans amour et son amour dévasté, l'autre essaye de trouver le point d'entrée pour aider Clara.
Un livre fort et émouvant, une écriture limpide et fluide. Un vrai coup de coeur.
Extrait : "L'index de l'accordeur descend le long de ma colonne. Puis dévie. Et appuie fort, très fort.
Il me dit "La force, c'est l'équilibre entre le plaisir et la douleur. Vous avez mal?"
Je fais oui de la tête, et non.
Il me dit : "Je vais retrouver votre première peau.
- Celle d'avant Dublin?
- Celle d'avant votre mère."
Maintenant, il a laissé glisser son doigt sur mon front, mon nez. Il est descendu le long du cou, s'est arrêté à la naissance de la gorge. "Ici".
Comment sait-il?
Dublin, je suis nue et gelée. Cette fois je vais mourir. Je me fiche bien de mourir. Qu'il en finisse. Je sens la pointe du coupe-papier dans ma peau, exactement à la saignée du cou, là où l'accordeur a placé son doigt. Le coupe papier de ma grand-mère au manche argenté. La pression augmente mais le sang se retient de perler. Pour la première fois depuis tout ce temps à Dublin, j'attends avec soulagement une délivrance. Bien sûr, elle ne viendra pas. Anas a retiré la pointe, l'a plantée de rage dans le cadre de la fenêtre. L'accordeur a laissé son doigt sur mon cou.
"La peau se souvient. Nous sommes des êtres de tissu, c'est pourquoi les muscles se froissent et parfois se déchirent."