malentendu

parution 04/2010

Encore une "nouveauté" de Irène Nemirovsky, pourtant morte en déportation. Ce livre est son premier roman, édité une première fois en 1926, Irène Nemirovsky n'avait alors que vingt-trois ans.

Nous sommes à Paris dans les années 20. Denise, jeune femme riche, s'ennuie dans sa vie, avec un mari souvent absent et une petite fille de cinq ans qu'elle laisse le plus souvent au bon soin de la nurse. En vacances sur la côte basque elle va faire la connaissance d'Yves, jeune homme issu de la grande bourgeoisie mais que la guerre à ruiné. Il va devenir son amant. Pour elle, il représente la vie, l'aventure, la joie, mais pour lui, qui  a abandonné ses rêves de jeunesse dans les tranchées, elle représente le milieu et l'insouciance qu'il ne pourra plus atteindre. Il devient  mélancolique et fuyant.

Une superbe écriture moderne. On a du mal à coire que ce roman a été écrit il y a près de quatre-vingt-dix ans! Elle décrit très bien l'attrait premier de ces deux personnages, puis  les fêlures qui vont les éloigner l'un de l'autre. Elle est très jeune quand elle écrit ce livre et a pourtant une vision claire et juste des rapports humains. L'écriture est fluide et mature.

Un très bon livre.

Extrait : " C'est joli, tout ce luxe, dit Jessaint qui n'avait pas le goût très sûr.

Il se tournait vers Yves.

Celui-ci répliqua vivement :

-Non, coupable et fou.

Puis il se ravisa, sourit péniblement. Autrefois, il trouvait tout cela naturel, aimable, autrefois, quand il pouvait prendre sa part de la fête. Maintenant, il jouait les moralistes... Et pourtant, ce n'était pas un jeu, pensa-t-il... Vraiment, une éspèce de dégoût, de lassitude amer, demeurait au fond de son coeur depuis quelques années, depuis la guerre ?...avec persistance... "comme un mesquin mal du siècle, sans phrases romantiques", se dit-il encore.

Autour de lui, à présent, on discutait. Les Clarkes voulaient aller finir la nuit à Montmartre, puis aux Halles. On décida de commencer par un cabaret russe.

-Venez-vous ? dit tout bas Denise à Yves.

Celui-ci se mordit les lèvres, tandis qu'avec une prodigieuse netteté il se représentait des chiffres.

Son portefeuille était complètement vide. Il secoua la tête.

-Denise, j'ai une migraine effroyable..."