J'avais très envie de lire ce livre après en avoir lu des bonnes critiques, mais personne dans mon groupe de lecture ne voulait l'acheter, peur du titre et de la couverture. Heureusement, Aifelle est passé par là et me l'a envoyé !
Petit rappel historique pour bien apprécier ce roman qui commence en 1936. L'Estonie est alors un pays libre. Puis vient la guerre mondiale. L'Estonie va passer par une première occupation soviétique, puis une occupation allemande, avant de passer par une dernière occupation soviétique qui va durer jusqu'en 1991. Ce n'est qu'à ce moment là que l'Estonie va retrouver son indépendance.
Dès les premiers chapitres, nous nous trouvons en présence des deux personnages de l'histoire : Aliide, vieille fermière qui a choisi de vivre et de rester dans sa ferme en épousant un communiste. Depuis le décès de celui-ci et l'indépendance de l'Estonie, elle vit terrée dans sa ferme. Un matin de juin, elle trouve dans son jardin, Zara, une jeune femme perdue et menacée. Ces deux femmes vont se découvrir au fil des pages, libérant ainsi un lourd secret de famille, en lien avec le temps de l'occupation soviétique.
En fait, ça n'en a pas l'air, mais c'est un roman d'amour ! (enfin pour moi !). Aliide est folle amoureuse d'un homme qui ne peut pas (et ne veut pas) être son mari. Pour cet amour, elle va faire tous les sacrifices, celui de sa vie, mais aussi celui de la vie de ses proches. Cet amour va lui faire accepter des actes monstrueux.,
Cet histoire d'amour unilatéral se passe sous l'étouffement du régime soviétique qui torture et annihile toute volonté. Aliide va vivre l'occupation en Estonie. Zara, elle, est une jeune russe qui va chercher à sortir du monde totalitaire en allant vers l'Ouest et les réseaux mafieux de prostitution.
Cela en fait un roman d'amour noir et sordide, avec une femme aigrie par un amour impossible, qui reste cependant attachante, dans un contexte sombre de purge, de déportation et de prostitution.
Un beau roman qui m'a permis de connaître un peu plus l'histoire de ces pays sous domination soviétique, membre de l'Union Européenne depuis 2004.
Extrait : "Quand Aliide rentra du bureau de l'état civil, son pas était plus léger qu'à l'aller, son dos était plus droit, parce que sa main tenait maintenant le bras de Martin et que Martin était son mari, son époux légitime et qu'elle était l'épouse légitime de Martin, Aliide Truu. Quel joli nom ! Si elle recevait, en se mariant avec Martin, une sorte de garantie pour sa sécurité, il y avait une autre chose importante qu'elle obtenait par le mariage. Elle devenait tout à fait comme n'importe quelle femme, ordinaire. Les femmes ordinaires se mariaient et faisaient des enfants. Elle en était une.
Si elle était restée célibataire, tout le monde aurait pensé qu'elle avait un problème. C'est ce qu'auraient pensé les gens, alors qu'il y avait peu d'hommes disponibles. Les rouges se seraient demandé si elle avait un amant dans la forêt. Les autres auraient cherché à deviner pourquoi elle n'était au goût de personne. Si il y avait une raison qui faisait d'elle une sous-femme, une femme qui n'était pas au goût des hommes, ou qui n'était pas capable d'être avec un homme. Quelque chose qui faisait d'elle une femme délaissée. Quelqu'un aurait peut-être trouvé une raison. Mais surtout, personne ne pourrait affirmer qu'il se soit passé quelque chose pendant les interrogatoires, si elle se mariait avec un homme comme Martin. Personne qu'une femme serait capable, après une chose pareil, d'épouser un communiste. Personne n'oserait dire d'Aliide qu'elle avait cédé à leurs avances. Ou qu'il faudrait peut-être la mettre à l'épreuve.Personnel'épreuve.Personne n'oserait parce qu'elle était l'épouse de Martin Truu et une femme ordinaire.
Et ça, c'était important. Que personne, jamais, ne le sache."
Aifelle (merci) le trouve incontournable, Clara le recommande absolument, coup de cœur pour Gwenaelle et Leiloona.