Photo de groupe au bord du fleuve, de Dongala Emmanuel
parution avril 2010 - 333 p.
C'est un livre que j'avais noté après une bonne critique dans mon magasine littéraire, et je l'ai enfin trouvé à la bibliothèque.
J'aime être étonnée par un livre, et c'est exactement ce qui est arrivé avec celui-là.
Étonnée par l'écriture : tout le livre est écrit à la deuxième personne du singulier. Ce n'est jamais Méréana, le personnage principal, qui parle, mais l'auteur qui nous parle de ce que fais Méréana : ""Tu sens que tu ne peux plus te taire et continuer ainsi à décevoir tes amies ....". Au départ, j'avais un peu peur d'être du coup spectateur du récit sans rentrer dedans, et ce ne fut pas du tout le cas.
On suit donc un groupe de femmes congolaises qui casse des cailloux dans un chantier pour en faire des paniers de graviers revendus pour des travaux de voiries. Elles vont décider de demander une augmentation du prix du panier. Cela va provoque un grand chambardement politique et social, dans un pays ou la corruption est partout, et ou la voix des femmes n'est pas entendues.
Un très bon roman prenant qui allie une histoire personnelle et une description décapante de l'Afrique contemporaine. Tout tourne autour de la vie des femmes : rejetées par la belle-famille quand elles sont veuves, atteintes du sida par leur mari volage, celles qui sont des "deuxième bureau" (amante), la façon de s'habiller à l'européenne ou en pagne "superwax", les fêtes de "retrait de deuil"....
De l'émotion, de la peur, de l'amour, de la colère... tout y est !
Extrait : "Après avoir terminé votre repas, il vous faut vous concerter sur la stratégie du lendemain. "La pierre est notre pétrole", lance, à ta grande surprise, et joie, Batatou ; c'était ce que tu ne cessais de te dire depuis longtemps. Tout le monde reprend gaiement le slogan en applaudissant.
On ne sait par quel tour de passe-passe la belle Ossolo réussit à produire une bouteille de bière. Elle veut qu'on se la partage toutes mais trente-trois centilitres d'une boisson tiède pour une quinzaine de femmes, c'est impossible. La bonne idée vient de Mama Kody, du pays de la Sangha : l'offrir aux ancêtres pour les remercier de votre victoire, en lieu et en place du vin de palme ; ce sera aussi efficace, assure-t-ell, les ancêtres comprendront. Applaudissements."