Rencontre Carole Martinez et Alexis Jenni, Goncourt 2011
Hier soir, à Rennes, avait lieu la rencontre " Champs Libres aux Goncourt" auquel je me suis rendu avec des amies de mon groupe de lecture. Et juste devant moi, j'ai eu la surprise de retrouver Midola et Géraldine, deux bloggeuses du coin ... qui m'ont chargé de faire le compte rendu !!!
Le voici donc, sans doute très incomplet, mais difficile de rendre compte de cette soirée pleine de discussions. J'ai surtout essayé de retranscrire les échanges très intéressants sur le rapport physique de l'écrivain à son livre, la naïveté lors de la sortie de son premier ouvrage, et enfin l'emerveillement que Carole Martinez a su nous faire partager.
Il y avait donc Carole Martinez, prix Goncourt Lycéen pour "Du domaine des murmures", et Alexis Jenni prix Goncourt pour "L'art français de la guerre", mais aussi deux lycéennes, Jeanne de Brest et Pauline de Rennes, Edmonde Charles-Roux et Didier Decoin du comité Goncourt et enfin le journaliste interviewer.
Après un petit mot des deux lycéennes qui ont expliqué la joie et la concentration lors des délibérations, dans une ambiance amicale mais parfois féroce au niveau national, et la difficulté de lire 15 livre en très peu de temps, la première question a été pour les académiciens :
Pour le choix du livre, vous allez dans toutes les directions de la littérature contemporaine. Avec le livre d'Alexis Jenni, vous avez couronné un premier roman, ce qui est plutôt rare. A-t-on des réticences a couronner un premier roman au risque de lui couper les ailes ?
Edmonde Charles-Roux : J'y pense d'autant plus que je suis dans le même cas avec "Oublier Palerme"! Le prix Goncourt est souple, on rencontre beaucoup de doutes, jusqu'au dernier moment on ne sait pas qui va l'avoir. Ça a un caractère de jeunesse (jeunesse du coeur car nous ne sommes pas tous jeunes !) et de gaieté.
Didier Decoin : C'est la qualité intrinsèque de chaque livre qui nous intéresse. Le jour du Goncourt, il n'y a plus que les textes et plus l'auteur. L'auteur est masqué derrière le texte. On est amoureux des textes.
Deuxième question pour les auteurs :
Vous êtes plutôt des débutants, presque des novices dans cette course aux prix. Comment le vivez-vous ?
Alexis Jenni : Je ne me rends compte de rien !!!! Je vais de surprise en surprise puisque je ne sais pas ce qui m'atend. Par exemple, j'ai un rapport au livre qui est très personnel, je n'ai jamais demandé à ce que l'on me signe mon livre. Et là je me rends compte que je peux signer 200 livres en une soirée !!! J'ai un côté un peu inconscient qui me protège beaucoup. Je suis un peu fatigué quand même mais je suis content d'avoir rencontré un nombre maximum de gens, et en plus ceux qui viennent c'est ceux qui ont aimé !!!! J'apprend le monde des livres.
Carole Martinez : Je comprends tout a fait ce qu'à dit Alexis, je n'avais pas connaissance de tous ces clubs de lecture, ces petits libraires qui font un travail incroyable, tous ces salons du livre. Au début c'est très étonnant. Pour moi, c'était un rêve, un exploit d'avoir sorti un livre, et je m'aperçois qu'il y a plein de livres qui sortent !!! On remet les choses à un autre niveau. Au début on est dans son coin, même les amis n'appellent plus parce que le livre est un peu épais et qu'ils ne l'ont pas fini !!!! J'étais terrifiée lors de la sortie du deuxième ! Le premier, on est dans l'inconscience. Pour le deuxième, on sait que les choses se font avant la sortie du livre, du coup on tremble ! Au moment de l'écriture, on est puissant, et quand on le remet à l'éditeur, physiquement, c'est compliqué, on n'a plus de prise.
Didier Decoin : Je suis enchanté d'entendre ça. A la fin d'un livre, j'ai un baby blues qui est affreux. Je n'ai pas envie qu'il vive parce que je ne sais pas ce qui va lui arriver. L'angoisse de la page blanche, c'est une blague ! L'angoisse du livre terminé c'est plus terrible !
Questions des lycéennes aux auteurs, questions que je ne retranscrits pas car dévoilant trop du livre.... mais je reprend le fil sur le rapport du lecteur et du livre.
Carole Martinez : Chaque lecteur recrée son livre en prenant du temps. On propose une trame et le lecteur, avec ses propres visions, crée le livre. La littérature peut permettre de changer le monde, mais c'est très long. C'est aussi l'importance de l'émerveillement, ça prend du temps. Comme les enfants qui nous offrent leur regard, on a une deuxième paire d'yeux, on vit dans une autre temporalité, on passe des heures à faire des touts petits rien. J'ai voulu montrer ce ralentissement dans le roman.
Jeanne, lycéenne : plus vous parlez de votre roman, plus je le redécouvre !
Alexis Jenni : c'est pour cela que je ne peux pas bien parler de mon livre, je ne l'ai pas lu !!! Je n'ai pas ce regard. Le regard du lecteur et autre que celui de l'auteur et on y trouve toujours quelque chose. Quand un lecteur me parle de mon livre, il y a un pouvoir d'évocation, je découvre toujours quelque chose !
Voilà .... une soirée qui avait commencé dans un café pour une réunion d'un comité de lecture, et qui s'est poursuivie par cette rencontre. J'ai des bonnes soirées en ce moment !