Voilà un auteur que je n'apprécie guère. Ses deux derniers livres m'ont laissé de marbre (et même un peu énervée, d'ailleurs je n'ai pas réussi à finir "je vais mieux"). Alors je n'avais pas trop envie de lire celui-ci... Bon, par curiosité, j'étais quand même allé voir les tableaux de cette Charlotte sur internet, et je n'avais pas été transcendée. Devant l'engouement des prix littéraires et surtout de certains posts, je me suis mise à hésiter. Les dernières barrières ont été levées quand je l'ai trouvé dans mes souliers le soir de Noël.... merci Mère-Noël !
C'est donc assez méfiante mais sommes toute intéressée que je me suis plongée dans ce livre.
Parlons tout d'abord du style qui est très particulier puisque chaque phrase ne fait qu'une ligne. Contrairement à ce que je pensais, cela ne m'a pas du tout dérangé. Au contraire, j'ai trouvé que cela donnait une urgence, une folie, une angoisse qui colle tout à fait au personnage. Et surtout cela reste fluide et agréable à lire.
Viens ensuite le personnage de Charlotte, ou plutôt, au début, l'entourage de Charlotte. Cette jeune juive allemande née en 1917 porte une hérédité assez lourde. Du côté maternel, son arrière grand-mère, sa tante, son oncle puis finalement sa mère sont morts par suicide. Une histoire familiale qu'elle va apprendre très tard, son père et sa grand-mère souhaitant la protéger.
C'est une enfant assez brillante, qui, malgré la mort de sa mère, a une jeunesse assez protégée et heureuse. Tout commence à basculer quand les lois anti-juives lui interdisent petit à petit de poursuivre sa scolarité, de se promener le soir, de vivre librement, tout simplement. Elle a vingt ans, tombe éperdument amoureuse, brave les interdits... mais surtout elle va réussir à entrer à l'école des beaux-arts de Berlin malgré les lois contre les juifs. Elle va apprendre à exprimer toutes ses émotions. Cette peinture, c'est ce qui la sauvera d'un état dépressif et d'une folie latente quand elle devra quitter les siens pour fuir l'allemagne nazie.
Réfugiée dans le sud de la France, elle y vivra en relative sécurité jusqu'à ce que la zone libre tombe aux mains des allemands. Très belles dernières pages quand elle rentre dans la salle de gazage d'Auschwitz, émotion très forte de cette dernière image.
Le dernier personnage qui apparaît dans le livre, c'est l'auteur lui-même. Il se décrit comme obsédé par cette artiste dont il a vu une exposition. Il part sur ses traces en Allemagne et dans le sud de la France, interroge des personnes qui l'ont connu. C'est les seuls moments ou j'ai retrouvé un peu du caractère mou des personnages qui m'avaient énervés dans ses précédents romans. Un manque de décision, une inconsistance ...
Un très beau livre sur cette artiste que du coup j'ai plus envie de découvrir. Un chemin de vie torturé et poignant, une souffrance maîtrisée, une délicatesse saccadée.
Extrait :
Devais-je être présent ?
Devais-je romancer son histoire ?
Quelle forme mon obsession devait-elle prendre ?
Je commençais, j'essayais, puis j'abandonnais.
Je n'arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
Je me sentais à l'arrêt à chaque point.
Impossible d'avancer.
C'était une sensation physique, une oppression.
J'éprouvais la nécessité d'aller à la ligne pour respirer.
Alors, j'ai compris qu'il fallait l'écrire ainsi."