journal d'un vampire parution 01/2016 - 233 p.  Coup-de-coeur

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Mathias Malzieu est une pile électrique, un boulimique créatif. En novembre 2013, il cumule les casquettes de chanteur dans le groupe Dyonysos qui est en tournée, d'acteur dans le clip qui doit accompagner la sortie de son premier long métrage (l'adaptation de son livre "la mécanique du coeur") et de réalisateur de ce film d'animation dont il s'occupe aussi du lancement. Or Mathias Malzieu se sent fatigué, ce qui semble assez compréhensible. Il va quand même faire une analyse de sang. Les résultats vont le plonger dans le grand bain de la maladie et de l'hospitalisation : "aplasie médullaire".

Commence alors le combat contre la maladie, les transfusions (qui font de lui un vampire), les chambres stériles, jusqu'à la greffe de moelle osseuse qui représente l'ultime solution.

Un traitement lourd qu'il nous fait partager avec délicatesse et poésie. Car là où on ne voit que des odeurs d'hopital, des aides soignantes fatiguées, des couloirs ternes et des médecins pressés, lui va voir des "nymphirmières" à qui il rend hommage, qui "bordent des fantômes [...] et servent des petits déjeuners à des vampires en sursis". L'hôpital est une "usine à rêve d'aller mieux".

Il nous parle aussi de son amoureuse, de son envie de se poser et d'avoir des enfants, de la mort de sa mère qui l'a profondément bouleversé. Même au bord de la mort, il arrive à laisser l'épée de Dame Oclès loin de sa tête.

Un survivant hemato-poétique qui nous fait partager un moment dur de sa vie en y intégrant de la poésie. Une belle écriture émouvante et forte.

Bravo ! (et merci à Albin Michel pour l'envoi).

Extrait : "Personne ne sait que je suis un vampire. Pas de transformation en chauve-souris pour l'instant. J'apparais toujours dans les miroirs. Avec une gueule de fantôme à bonnet de laine, mais je suis toujours là. La vue d'un crucifix ne me fait pas partir en courant - peut-être parce que je suis très vite essoufflé. Je ne fais pas de trucs bizarres en accéléré comme dans certains films. Pourtant je suis un vrai vampire : je dois me procurer du sang pour rester en vie. Et j'ai une dégaine de flocon de neige.

Puisque je suis prisonnier de mon propre corps, je dois plus que jamais apprendre à m'évader par la pensée. Organiser ma résistance en mobilisant les ressources de l'imagination. Je vais travailler dur au rêve de m'en sortir. Il me faudra une volonté en fer forgé. Un truc de marathonien. Foulée après foulée. Rythme et constance. Trouver l'équilibre entre la rigueur d'un moine et la fantaisie créative. Apprendre à faire le con poétiquement dans le cadre austère du couvre-feu que je dois respecter. Doser l'espoir au jour le jour. Transformer l'obscurité en ciel étoilé. Décrocher la lune tous les matins et aller la remettre en place avant la tombée de la nuit.

Un vrai boulot de néo-vampire."