Un paquebot dans les arbres, de Goby Valentine
Quel bonheur cette lecture !
Mathilde revient sur les ruines du sanatorium où son père a vécu un long moment. Et lui revient alors en mémoire toute sa vie.
Nous sommes dans les années 50-60, Paulot et Odile tiennent le café d'une petite ville des alentours de Paris. Ils sont heureux et joyeux avec leurs trois enfants : Annie, Mathilde et Jacques. Mais à la suite d'un accident bénin qui a touché son poumon, Paulot contracte la tuberculose. Et c'est tout leur univers qui va s'effondrer. Les gens qui leur tournent le dos par peur de la contagion, la tenue du bar qui devient trop pénible, le prix des soins exorbitants quand on n'a pas la sécurité sociale en tant qu'indépendant, la famille qui vole en éclat ...
Mathilde, du haut de ses 16 ans, va alors prendre en charge sur ses épaules cette famille unie mais en détresse. Elle qui a toujours voulu que son père l'admire, elle qui a un caractère farouche et fort va tout faire pour ressouder cette famille en refusant la fatalité. Dur pour de si frêles épaules. Mais ce parcours va lui permettre de faire de belles rencontres, et petit à petit, elle va pourvoir s'accorder de vivre enfin pour elle.
L'histoire de ce sanatorium, ce paquebot dans les arbres, et l'histoire de Mathilde prise dans les affres de ce combat, sera aussi mis en parallèle avec l'histoire de la guerre d'Algérie, ses dérives et ses espoirs.
Un superbe livre, autant pour l'histoire qui revient sur ces "tubards" mis au ban de la société, que par l'ecriture magique de Valentine Goby. J'ai mis du temps à le lire parce que je revenais souvent sur des phrases, des paragraphes, tellement bien écrits qu'on a presque envie de les apprendre par coeur !
Un gros coup de coeur pour ce roman.
Extrait : "Odile montre les lettres de Jacques à Paulot, ils signent une réponse commune, puis Odile écrit à Mathilde pour lui rapporter ce qu'à écrit Jacques, puis Mathilde écrit à Jacques que sa mère a reçu sa lettre et à Annie que Jacques se porte bien. Dans les lettres ils parlent des lettres, ils pourraient aussi bien copier toute une page de phrases identiques, je t'écris, je pense à toi, je pense à toi puisque je t'écris, ne distinguant pas la cause de l'effet, ce qui compte c'est remplir le silence pour rétrécir l'espace."