presentation celui qui va vers elle ne revient pas

Un livre proposé par l'éditeur (Globe) et dont le thème m'intéressait, et je n'ai pas été déçue.

L'auteur, Shulem Deen, est né en 1974 et a été élevé dans une communauté juive ultra-orthodoxe de New-York. Vers 13 ans, il décide d'intégrer les skver, une communauté hassidique très stricte où on ne doit avoir aucun contact avec le monde extérieur. Marié à dix-huit ans avec une jeune fille de la communauté qu'il n'a pas choisi, rapidement père de cinq enfants, il commence à se poser des questions sur sa foi. Attiré par le monde extérieur, il va commencer à transgresser les règles en écoutant la radio, puis en lisant le journal avant de se rendre dans des bibliothèques et d'acheter un ordinateur. Le monde d'internet va lui ouvrir les portes de l'ailleurs et va accentuer son rejet de la religion. Exclu de la communauté pour hérésie, il va essayer de continuer à vivre en famille avec des règles plus souples avant de se rendre compte que seule une rupture totale lui permettra de vivre sa vie.

J'ai beaucoup aimé ce témoignage extrêmement bien écrit. Non seulement on y suit l'évolution de Shulem, ses atermoiements, ses doutes, ses peurs, son espoir,  mais aussi la douleur de sa femme qui le voit s'éloigner d'une religion qui représente tout pour elle. J'ai trouvé cette femme très digne, car même si elle est désespérée de voir son mari devenir hérétique, elle va quand même le suivre sur un bout de chemin.

Très intéressant aussi la vie des juifs ultra-orthodoxes qui ne connaissent rien du monde extérieur et vivent repliés sur eux-même. J'ai été étonnée que les enfants suivent uniquement un enseignement dans les yeshiva, passant leurs années à étudier la Torah sans jamais faire de mathématiques ou même apprendre l'anglais. Il est alors très difficile de quitter la communauté sans aucun bagage culturel.

Même si Shulem Denn critique cette éducation d'un autre temps, il nous montre aussi qu'elle lui a apporté des grandes joies et une enfance protégée au sein d'une communauté protectrice. Il nous parle aussi de la difficulté de "l'après" quand, au delà de trouver un travail, il faut apprendre à s'habiller, à avoir une conversation, à communiquer. Quand, seul dans son appartement, le manque de la communauté se fait sentir. Quand il faut se battre pour revoir ses enfants et que ceux-ci, embrigadés depuis la naissance, ne veulent pas le voir.

Beaucoup de sensibilité dans ce pavé plein d'humanité écrit sans colère. Une très belle découverte.

Je ferais un parallèle avec le livre "vent d'Est-vent d'Ouest" de Pearl Buck que fille n° 3 est en train de lire. Même découverte d'un monde inconnu, même curiosité vis à vis de la modernité, même rupture douloureuse avec les traditions, juste une autre époque et un autre pays.

Parution 02/2017 - 413 p.

Extrait : " Gitty était peut-être dans le vrai, me dis-je. Parler à des gens extérieurs à notre communauté me donnait à réfléchir. Or nous le savions tous : avec la réflexion commençaient les problèmes.

Malgré tout, j'étais incapable de résister à l'attrait de cette ouverture sur le monde. Tous les soirs, pendant des heures, je me connectais à America Online et j'engageais la conversation avec des inconnus, désireux de leur prouver que leur façon de vivre n'était pas la bonne, mais aussi follement curieux de connaître leurs points de vue et les mondes dans lesquels ils vivaient."

"Kol bo'eho lo yechouvoun. - Celui qui va vers elle ne revient pas." Tels sont les mots de la Bible envers la femme adultère. Tels sont ceux du Talmud envers l'hérésie."