funambule

Reçu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire de Price Minister #MRL17

Un garçon surnommé Stradi est né avec un handicap : il a un violon dans la tête. De sa naissance à sa vie de jeune adulte nous allons suivre sa vie, : sa difficulté pour s'intégrer, les rejets des uns et des autres, les regards, la difficulté de trouver sa place dans la société ... mais il y a aussi l'amitié avec Max, un jeune garçon handicapé lui aussi, et surtout son amour pour Lélie, qui voit en lui au-delà de son handicap toute la poésie et l'imaginaire que ce violon apporte.

Ce n'est pas du tout plombant ou triste même si les difficultés dans la vie de Stradi sont bien réels. Mais c'est dit avec beaucoup de tendresse, de douceur et de poésie.

J'ai beaucoup aimé le début du roman qui porte sur l'enfance de Stradi : la surprotection de ses parents, son envie de faire comme les autres, ce violon qu'il essaye d'apprivoiser, ses conversations avec les oiseaux, sa rencontre avec Max.

Et puis l'adolescence arrive, une période délicate où les moqueries et les rejets ce font plus difficiles à accepter. C'est aussi la rencontre avec Lélie, une jeune fille énigmatique. Et commence une écriture plus abstraite, où le père cherche dans les secrets de la  grammaire les pourquoi du violon, où des injections très douloureuses permettent d'humidifier les cordes de l'instrument pour ne pas qu'elles cassent, où Max se réfugie dans un morceau de musique. On garde le fil conducteur du handicap et de l'exclusion, mais les choses se font plus surréalistes. 

Dans la dernière partie du roman, qui correspond à l'arrivée à l'âge adulte de Stradi, le surréalisme est très présent (j'avais parfois l'impression de me retrouver dans "l'écume des jours" de Boris Vian). Lélie travaille dans un entreprise qui garde les idées, Stradi travaille auprès d'un lord pour trier des papiers cadeaux, il a adopté un demi-chien, Max est perdu dans sa musique, les parents partent en voyage en Grammaire centrale ... Et pourtant tout se tient et les questions d'adultes sur la possibilité d'une paternité, la peur de transmettre un handicap, la société qui n'accepte que la normalité, la solitude des personnes âgées ... nous renvoient à l'isolation et l'acceptation de soi et du handicap.

Un très bon livre sur l'adversité et l'intégration. Pas de coup de coeur tout de fois à cause d'une certaine longueur dans la deuxième partie, mais une belle lecture qui me restera en mémoire.

Extraits :

1 - "Nous n'utilisions jamais le mot handicapé. Ni pour les autres ni pour nous. Ce n'était pas tant la définition qui nous rebutait, mais plutôt la lourdeur du mot. Le mot "différent" n'était pas tellement mieux, mais s'il nous excluait de la case de la normalité, il ne nous plaçait pas d'office dans une autre. Nous nous sentions ailleurs."

2 - "Max et moi avions de nouveaux copains. Des copains mais pas d'amis. C'était l'époque des boums du samedi après-midi. La musique avait remplacé les déguisements, les danses les parties de cache-cache, les chips les bonbons. Tout avait changé sauf une chose : nous n'y étions pas conviés. On nous avait giflés à l'école, on nous en recollait une au collège. On se battait pour faire oublier que nous étions différents mais on nous gommait purement et simplement dès que notre présence n'était plus obligatoire. On nous acceptait, on nous tolérait, mais il ne fallait pas en demander d'avantage."

3 - "Or nous n'avions rien demandé. Nous n'avions jamais revendiqué l'exemplarité. Nous ne voulions pas de traitement de faveur. Simplement être considérés comme tout le monde avec le droit inaliénable à l'échec. "

4 - "En mettant un peur d'ordre dans le département des idées préconçues, elle avait remarqué que près de la moitié des dossiers portaient le tampon : "mon enfant est un génie". "Alors nous allons l'aimer, nous allons l'élever pour ce qu'il sera et essayer de le rendre heureux. Le reste, on s'en moque, non ?"

Elle avait résumé en deux phrases ce qui était ma vie, ce qu'était celle de Max : la tentative du bonheur, quelles que soient les cartes que nous avions en mains."