les cigognes sont immortelles

J'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir la verve et l'écriture d'Alain Mabanckou. Nous sommes à Pointe-Noire où Michel, 13 ans, vit avec Maman Pauline et Papa Roger. Michel est très bon à l'école et veut toujours être le premier pour pouvoir intégrer le lycée Karl-Marx. Mais le vent de l'histoire va souffler, avec l'assassinat du président Marien Ngouabi à Brazzaville ce qui va changer bien des choses pour lui et sa famille.

J'aime la manière dont Alain Mabanckou nous parle de l'Afrique, de son devenir post-colonialisme, ses ethnies, ses traditions, l'importance de la famille mais aussi sa politique avec des coups d'état, de la corruption, des arrestations arbitraires.

Dans la bouche de Michel, un brin rêveur et naïf, sa vie et son pays sont idéals. Il est prêt à donner sa vie pour son pays et ainsi devenir "la cigogne blanche de la Révolution socialiste congolaise". Il n'y a pas de filtre, Michel nous livre ses pensées, ses rêves et à travers lui on suit de manière très vivante sa vie quotidienne et les trois jours d'instabilité politique à la suite de l'assassinat du président.

C'est en maniant humour et naïveté que l'auteur arrive à nous transmettre toute la gravité de la situation de l'Afrique. Une réussite.

Extraits : "Maman Pauline dit souvent que lorsqu'on sort il faut penser à mettre des habits propres car les gens critiquent en premier ce que nous portons, le reste on peut bien le cacher, par exemple un caleçon gâté ou des chaussettes trouées.
Je viens donc de changer de chemise et de short."

"Le client regarde avec respect et crainte la photo de notre chef de la Révolution socialiste congolaise. C'est la même qu'on avait dans notre classe à l'école primaire. Le camarade président Marien Ngouabi porte une casquette de militaire et regarde vers sa droite. Il n'a pas de barbe, il a de gros favoris qui nous permettaient de le dessiner facilement pendant la leçon d'instruction civique. Sa veste militaire est magnifique, avec le bouton d'en haut fermé et, au-dessus de sa poche droite, il a l'insigne des paracommandos prouvant qu'il est capable de sauter d'un hélicoptère ou d'un avion et de retomber par terre sans s'écraser la tête grâce à son parachute. Le camarade président Marien Ngouabi est triste sur cette photo. Il a peut-être compris que ce n'est pas facile d'être un chef de la Révolution dans un pays où les gens veulent tous payer plus tard. "