Michka perd l'équilibre et ses mots. Elle ne peut plus rester chez elle et va intégrer un EPHAD. Marie vient la voir régulièrement. Marie, c'est cette petite fille que Michka a recueilli quand la mère, sa voisine, n'était plus capable de s'en occuper. Un peu comme quand Michka a été recueillie par un couple qui l'a cachée pendant la guerre. Il y a donc Marie, sa presque fille,mais aussi Jérôme, l'orthophoniste qui essaye que les mots ne partent pas trop vite.
Le roman est essentiellement construit autour des dialogues entre Michka et ses deux visiteurs, entrecoupés par les rêves ou cauchemars de Michka.
L'humanité de l'orthophoniste et la douceur de Marie font de ce roman une parenthèse touchante et délicate. J'ai beaucoup aimé les séances d'orthophonie où Michka arrive à s'exprimer avec des mots tordus.
"- Tu ne dors pas bien ?
- C'est à cause des mots, je t'ai dit. C'est la nuit que ... ça se terre ... ça se perd, quand je n'arrive pas à m'endormir, je sais bien que c'est à ce moment là qu'ils s enfouillent, qu'ils s'enfuitent, j'en suis sûre, mais il n y a rien a faire contre ça, je peux te le dire, même ll'ornito ... l'oroto ... l'orto...
- L orthophoniste ?
- Oui, il me l'a dit. Les esquisses, ça ne sert plus à rien quand on arrive à mon point.
- Tu exagères, je suis sûre qu'il n'a pas dit ça. C'est parce que tu n'aimes pas les exercices.
- C'est crevant. Après, tu devrais me voir, à ramasser à la chaudière. C'est triste, tu sais ..."
Un roman qui aborde le thème de la vieillesse et de la dépendance mais aussi les regrets et les "merci" que l'on n'a pas dit de manière explicite.
Mon seul bémol sur ce roman c'est qu'il est très court. Les personnages sont justes ébauchés. J'aurais aimé en savoir plus sur l'enfance de Michka, sur son travail, sur les relations de Jérôme avec son père ...
Tout est un peu trop survolé et je suis restée sur ma faim. Mais j'en garde malgré tout un très bon souvenir de lecture.
Extraits : "Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l’absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d’un prénom, d’une image, d’un parfum. Je travaille avec les douleurs d’hier et celles d’aujourd’hui. Les confidences.
Et la peur de mourir.
Cela fait partie de mon métier.
Mais ce qui continue de m’étonner, ce qui me sidère même, ce qui - encore aujourd’hui, après plus de dix ans de pratique - me coupe parfois littéralement le souffle, c’est la pérennité des douleurs d’enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s’efface pas. "