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le blog des fanas de livres
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17 mars 2021

J'ai appris à lire à 50 ans de Aline Le Guluche

Livre reçu grâce à l'opération masse critique de Babelio.

J-ai-appris-a-lire-a-50-ans

Aline est la petite dernière d'une fratrie de huit enfants, vivant assez chichement dans une ferme des Yvelines. Elle est élevée à la dure entre les corvées quotidiennes de la ferme, les tâches ménagères et un père qui boit plus que de raison et commence à battre sa femme.

A l'âge de six ans, elle va pour la première fois à l'école et découvre un univers fait de coups sur les doigts dès qu'il y a une tache d'encre sur le cahier, d'heures passées au coin quand elle n'a pas fait ses devoirs, de calottes et de terreur. Devant la plainte de plusieurs parents, l'instituteur sera changé au bout de deux ans pour un enseignant à l'écoute et patient. Mais Aline n'arrive pas à apprendre à lire, elle confond des lettres, le b et le p, le m et le n. A cette époque (nous sommes au tout début des années 70) les instituteurs n'ont eu aucune formation sur la dyslexie, et même si son professeur voit qu'il y a un problème de compréhension et une grande difficulté scolaire, il ne sait pas bien y faire face.

Aline va ainsi passer de classe en classe en arrivant plus ou moins à cacher son handicap : apprendre par coeur, une amie qui aide, l'instituteur qui lit à haute voix ...

Dès qu'elle le peut, elle arrête les études. Le premier travail se fera à l'usine. Il faut parfois écrire le nom du contenant et la date de fabrication. Aline apprend alors par coeur certains mots. Elle se marie avec un homme qu'elle connait depuis toute petite, qui sait ... Deux enfants arrivent rapidement. Au moment des premières histoires à lire, Aline invente, raconte. Un petit dictionnaire / imagier va beaucoup l'aider pour se mettre au niveau de ses enfants.

Mais elle veut évoluer, quitter l'usine qui est loin de son domicile. La voilà qui intègre les cuisines d'un hôpital. Avec une volonté farouche et un courage de tous les instants, elle va surmonter une à une les difficultés liées à son handicap. Ayant toujours peur que l'on découvre son secret, elle gravit les échelons jusqu'à devenir intendante hôtelière. Elle s'entraine chez elle pour lire le nom des plats, des maladies, apprend par coeur quel menu va avec quelle pathologie, s'initie à l'informatique ... Au niveau personnel, elle va longtemps s'effacer devant un mari colérique et brusque, puis partir mais continuer à se faire avoir par un compagnon qui se sert de sa faiblesse pour l'enfoncer.

A presque cinquante ans, elle prend son courage à deux mains et décide de se présenter à la directrice des ressources humaines avec une lettre (écrite par sa fille) demandant une remise à niveau en lecture et écriture. Soutenue par la directrice, elle arrive à décrocher une formation pour adulte "les compétences clés". Armée de sa seule résolution, elle apprend par coeur le trajet pour Paris et entame, avec douze autres adultes de tous âges, un apprentissage qui va lui permettre de s'enrichir et d'évoluer. Prise dans le tourbillon des études, elle ira même jusqu'à passer un CAP service hôtelier. Une belle revanche.

On pourrait se dire que ce genre de parcours n'existe plus avec la prise en charge beaucoup plus importante actuellement de tous les troubles dys, or il n'en n'est rien (pour preuve les jeunes qui étaient avec Aline à la formation).

En tant qu'enseignante documentaliste je suis sensible à ce problème d'illettrisme et je vois quelques élèves qui vont quitter le collège sans savoir correctement lire. S'ils ne poursuivent pas la lecture ensuite, ils tomberont dans l'illettrisme.

Nous en avons un en particulier qui est en quatrième et qui refuse les cours d'orthophoniste (il en a eu tout le primaire) ou notre aide (nous sommes trois à le prendre régulièrement et bénévolement pour le faire lire à voix haute) car pour lui il n'y a pas de problème. Il a développé une très forte mémoire auditive qui lui permet de pallier son handicap de lecture, mais face à une consigne écrite, lors d'un examen par exemple, il ne s'en sort pas. Nous voyons bien qu'il y a un problème mais nous ne savons pas comment l'aider. Il veut devenir garde forestier et pour ce travail il aura forcément des rapports à lire ou à écrire. On se sent démuni face à ce refus et cette difficulté devant lesquels nous ne sommes pas formés. 

Outre le problème de l'illettrisme, ce livre nous montre une femme courageuse, motivée, qui n'a jamais baissé les bras malgré les nombreuses embûches que la vie a semée sur son chemin.

Chapeau ! 

Extrait :"J'évite les problèmes, et surtout j'essaie de ne pas me laisser envahir par les craintes et le doute. Je n'arrive jamais à être sûre de ce que j'écris car je doute de ma mémoire que j'utilise comme un appareil photo car je connais mes limites. Et si quelqu'un à côté de moi me demande ce qui est écrit, rien ne sort de ma bouche. Mes jambes tremblent et mon visage rougit".

"Faire partie du syndicat me permet de parler dans mon travail des problèmes de l'illettrisme. Même si ce mot fait peur. Et pour cela, il vaut mieux l'aborder en parlant de fautes d'orthographes, de lecture hésitante, de problèmes de calcul ...et de besoin "d'améliorer sa compétence".

Surtout ne pas prononcer le mot "illettrisme.""

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Commentaires
M
Houa en effet quel parcours.
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L
Incroyable courage .quel beau témoignage. Je pense à ce jeune garçon qui refuse votre main tendue à vous tous, j’espère qu’il trouvera un jour le chemin pour se faire aider
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