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le blog des fanas de livres
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17 mars 2021

Mémoire de soie de Adrien Borne

memoire-de-soie

Emile a vingt ans en juin 1936 lorsqu'il part faire son service militaire, deux ans sous les drapeaux. Au moment de prendre son car dans ce petit village de la Drôme, il n'y a ni son père parti tenir sa boutique, ni sa mère qui est en train de laver des draps au lavoir. L'amour de ses parents, il est là, mais sans marque ostensible, sans grandes effusions . Quand il voit sa mère s'approcher de lui alors que le car approche, il a pourtant l'espoir d'un geste "Un petit quelque chose. Une esquisse. Un doigt glissant sur le lobe de l'oreille." Mais sa mère vient juste enfouir dans son sac un petit carnet. 

Un geste anodin mais qui va être le départ d'une découverte sur cette famille qui s'est oubliée dans le silence.

Comme un fil de soie que l'on tire (la famille ayant longtemps élevé des vers à soie), l'histoire revient sur la vie avant la première guerre mondiale, une rencontre, un amour, une famille, des jalousies et la guerre qui vient tout chambouler. Vient alors le silence, l'absence, l'effacement. La famille est taiseuse, rude et la vie continue.

L'histoire est poignante et portée par une écriture stylisée que j'ai beaucoup aimée. Les phrases sont courtes, saccadées, donnant une poésie et une dureté qui colle à ce silence et à l'âpreté des évènements. On y retrouve aussi le parlé de la campagne et du début du siècle ce qui nous plonge instantanément dans l'ambiance.

Ce premier roman, qui s'inspire du grand-père de l'auteur, est une très belle découverte par sa sensibilité et sa justesse. J'ai été particulièrement émue par les parents, Suzanne et Auguste, qui ont tant d'amour à donner.

Un conseil : ne lisez pas la dernière de couverture qui en dit beaucoup trop ! 

Extraits : " Ces quelques pages qui ont dormi dans le tiroir du haut de la commode de la chambre de son père. C'était là aussi qu'Auguste cachait sans grande inventivité son argent et, quand il en avait la consigne, Emile tirait avec une certaine gourmandise un billet de cette petite réserve, sous les épais caleçons, dans un boîte fabriquée par ce père qui malgré son bras de peu ne manquait pas de dextérité, surtout pour se jouer du bois. Sous cette boîte au couvercle sculpté, ce livret. Face contre terre. Tourné vers le sol, honteux de lui-même. Il aurait suffit d'une curiosité mal placée,. Cette curiosité, Emile  ne l'a jamais eue. Il y avait dans l'air familial une simplicité toute naturelle. Calme et droit répétait Suzanne, sa mère. Calme, droit et lesté d'un mensonge qui désormais ne faisait plus aucun doute. Pourquoi maintenant, pourquoi cette confession indirecte, pourquoi ce rôle-là ? Quel bénéfice en tirait donc la confessée ? Piteuse révélation. Sournoise conciliation. Emile, à l'instant, entame un chemin désordonné, un chemin confus. Il s'emporte de lui même. Il s'afflige puis se raidit. Il s'agite et s'enorgueillit. Il réclame des comptes et ne pose aucune question au vide face à lui. Il contemple cette cage d'escalier sans envergure. L'odeur d'humidité, les ombres des hommes attendant à l'exterieur, le blanc tournant cireux, le fer poli des rampes, le carrelage au sol. Choisit-on le décor de ses défaites ? Emile vaincu, abattu, ce soir. Craintif soudain. Anxieux. Pétrifié. Il n'est plus celui qu'il croit."

 

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Commentaires
V
la citation me plaît et la période évoquée aussi... allez, encore un de noté !
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E
ça a l'air très fort!
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M
Je note aussi ;)
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A
Je ne l'ai pas repéré ce roman ; je le note, il a l'air réussi.
Répondre
L
C’est le genre de livres que j’aime. Merci, de l’avoir repéré.
Répondre
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