Jacqueline, Jacqueline, de Jean-Claude Grumberg
Ode de l'auteur de pièces de théâtre et du scénariste à sa femme, Jacqueline, décédée en 2019, à l'âge de 82 ans, d'un cancer.
Jean-Claude Grumberg nous offre ses réflexions, ses peurs, ses rêves, ses souvenirs du couple qu'il a formé pendant soixante ans avec Jacqueline. Il n'y a pas de chronologie, les pensées viennent en fonction du lieu, du moment. A travers ces divagations intimes on suit tout l'amour qui a uni ses deux êtres qui ont en commun une histoire familiale douloureuse.
Les anecdotes qui parsèment le livre alternent avec des réflexions sur sa vie de veuf solitaire.
Ce qui fait que ce livre n'est pas pesant, c'est la finesse de l'auteur et son humour plein d'auto-dérision qui émaille les pages.
Même si j'ai rencontré une petite lassitude au trois-quart du livre, cela reste un bel hommage, plein de tendresse.
Extrait : "Demain au matin l'ambulance t'arrachera à tout cela, tout ce qui a fait ta vie, pour te conduire dans un lieu où l'on dépose avec précaution ceux et celles pour qui on ne peut plus rien faire, afin de faire d'urgence ce qu'il est urgent de faire à ceux et celles pour qui on ne peut plus rien. Je savais que tu le savais,mon coeur se déchirait de le savoir, et je savais que ton coeur se déchirait de savoir que tu le savais, et que je ne pouvais, en conséquence, ni te prendre dans les bras sans sangloter, ni te parler tout bas sans hurler. Le silence régna donc."
"Ce soir, après avoir parcouru le fatras que je dois me résoudre à qualifier de livre, ton livre, la même peur m'a saisi. Pourquoi, pourquoi sous prétexte de célébrer ta mémoire, de glorifier notre amour tout en criant ma douleur, pourquoi me suis-je laissé aller ainsi au point de me retrouver dans ces pages sans pantalon ? Pourquoi avoir abandonné toute retenue. Pourquoi n'ai-je pas été capable, en bon petit scribouillard, de raconter ta vie, nos vies, d'une manière à la fois juste et tendre, classique et poétique, raisonnable en somme, et surtout chronologique ? Pourquoi m'en prendre aussi tout le temps au temps sous prétexte qu'il passe ou qu'il ne passe pas ?"
"Pourquoi noircir tant de papier alors qu'une seule phrase - "tu me manques" - dit tout. Tu me manques, tu nous manques"