S'adapter, de Clara Dupont-Monod
Dans la campagne cévenole, une famille accueille son troisième enfant. Mais au bout de quelques mois, les parents se rendent compte que l'enfant n'évolue pas comme les autres. Et le diagnostic tombe : l'enfant est handicapé, son cerveau ne transmet pas les données, il est aveugle, ne parlera pas, ne marchera pas et a une espérance de vie de trois ans.
Chacun va alors devoir s'adapter. Les parents bien-sûr, mais l'auteure s'attache plus à la fratrie et aux différences et éloignements que cela va créer.
Car chaque enfant va réagir d'une manière différente, l'un en s'attachant, en prenant soin, en chouchoutant, l'autre en délaissant et négligeant, en s'écartant.. Deux manières radicales de faire face, de continuer à vivre malgré tout.
L'aîné a un rapport hyper protecteur, c'est un loup protégeant son petit. Il va passer des heures à parler à l'enfant, à lui décrire les lieux, les sensations, à lui caresser la joue. Mais du coup il exclut les autres en ayant une relation farouche. "L'aîné lui fredonnait des petites chansons. Car il comprit vite que l'ouïe, le seul sens qui fonctionnait, était un outil prodigieux. L'enfant ne pouvait ni voir ni saisir ni parler, mais il pouvait entendre. Par conséquent, l'aîné modula sa voix. Il lui chuchotait les nuances de vert que le paysage déployait sous ses yeux, le vert amande, le vif, le bronze, le tendre, le scintillant, le strié de jaune, le mat. Il froissait des branches de verveine séchées contre son oreille. C'était un bruit cisaillant qu'il contrebalançait par le clapotis d'une bassine d'eau."
La cadette est plus dans la colère. Elle voit son grand-frère s'éloigner d'elle, elle ne peut pas inviter ses copines, avoir une vie insouciante. Elle s'éloigne de sa famille.
La peinture de la campagne cévenole est de toute beauté, le texte est plein de pudeur et bien écrit, mais ....
Je n'ai pas vraiment réussi à entrer dans l'histoire et à ressentir de l'empathie pour la situation, sans doute par l'éloignement dû au fait que les personnages n'ont pas de prénom. Il y a l'aîné, la cadette, l'enfant ... Dernièrement j'ai lu un autre livre avec ce même procédé "Une saison douce" de Milena Agus, et là aussi j'étais restée à distance de l'histoire. J'espère que ça ne deviendra pas une nouvelle "mode" d'écriture.
Autre point qui m'a étonné : J'ai trouvé intéressant, au début, qu'il n'y ait pas de leçon de morale pour savoir lequel des enfants a la bonne ou mauvaise réaction, juste un ressenti. Mais voilà que l'aîné, qui était un enfant joueur et enthousiaste et qui a le plus de douceur, d'amour et de tendresse, fini seul et asocial, alors que la cadette, animée par le ressentiment, devient une mère épanouie et aimante. Du coup j'ai l'impression d'une leçon de morale un peu pervertie.
Ce roman a reçu le prix Femina et le prix Landerneau 2021, preuve qu'il a plu. Je suis quand à moi passée à côté. Je regarderai ce soir La Grande Libraire où Clara Dupont-Monod est invitée pour essayer d'avoir un autre regard.
Extrait : "L'aîné n'alla pas très loin, au bord de la rivière, là où les pierres sont plates. Il s'assit, croisa ses bras autour de ses genoux et ne bougea plus. Le dernier resta dans l'ombre à l'observer. Il sentit monter en lui une jalousie envers l'enfant. "Si j'avais été handicapé, pensait-il, alors l'aîné se serait occupé de moi."Puis il baissa la tête, transpercé de honte."