La carte postale, de Anne Berest
J'avais beaucoup aimé le roman à 2 mains écrit avec sa soeur : Gabriële, du coup j'avais hâte de découvrir celui-ci.
Donnant naissance à sa fille et cherchant à comprendre la part de judaïté qu'elle allait lui transmettre, l'auteure demande à sa mère de lui raconter l'histoire de sa famille.
Quelques années plus tard, interpellée par une remarque antisémite à l'encontre de sa fille en primaire, elle se souvient que sa mère avait reçu, quinze ans plus tôt, une carte postale anonyme comprenant juste 4 prénoms : ceux de ses ancêtres morts en déportation. Qui a envoyé cette carte ? Pourquoi ? La carte était restée toutes ces années rangée dans les archives tenues par sa mère. L'auteure décide d'enquêter.
On suit donc dans la première partie l'histoire de sa famille, les Rabonovitch, juifs Russe qui ont fui les pogroms après la première guerre mondiale vers la Lettonie puis la Palestine avant d'arriver en France. Malgré tous les efforts de l'arrière grand-père de l'auteur, la nationalité française leur sera refusée. La guerre arrive, les arrestations, les déportations. Seule la grand-mère de l'auteure, jeune mariée, s'en sortira.
Dans la deuxième partie, l'enquête sur cette carte postale mystérieuse prend place. La mère de l'auteure accepte de l'aider et elles vont avancer grâce à de nombreux documents conservés : lettres, dossiers, extraits de livre dans lesquels le nom de sa grand-mère est mentionné... Elles vont aussi aller à la rencontre des survivants, visiter la maison familiale et faire appel à un graphologue et un détective privé.
Même si l'histoire des familles fuyant les progroms ou des déportations est souvent abordée dans la littérature, le côté "autobiographie" et surtout l'idée que la petite-fille ne connaisse rien de cette histoire familale lui apporte un aspect particulier de sincérité. Ce silence est assourdissant.
L'énigme de la carte postale rajoute un côté "suspense" à cette recherche.
L'écriture est fluide et claire. Quelques petites longueurs mais rien de lassant.
Un beau questionnement sur l'identité juive et sur l'émotion vécue par les nouvelles générations qui portent le poids de la Shoah, même si elles ont reçu une éducation laïque.
Extraits :
"Pour moi il est difficile de faire le lien entre Mirotchka, fille des Rabinovitch, et Myriam Bouverîs, ma grand-mère avec laquelle je passais les étés, entre les monts du Vaucluse et la chaîne du Luberon.
Ce n'est pas simple de relier toutes les parties entre elles. J’ai du mal à maintenir ensemble toutes les époques de l'histoire. Cette famille, c'est comme un bouquet trop grand que je n'arrive pas à tenir fermement dans mes mains."
"Je suis juive mais je ne connais rien de cette culture..
Ma grande mère, seule survivante après la guerre, n'est plus jamais entrée dans une synagogue. Dieu était mort dans les camps de la mort.'