la patience des traces  coeur

J'aime beaucoup l'écriture de cette auteure et je n'ai pas été déçue, même s'il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour me familiariser aux phrases courtes, à l'écriture un peu heurtée du début.

Simon est psychanalyste dans une petite ville au bord de l'océan. Protégé par la voix des autres pendant des années, il décide d'aller vers le silence, de partir vers un lieu loin de la foule et des touristes. Un ami lui a trouvé ce qu'il lui fallait : une chambre d'hôte dans une petite île japonaise tenue par un couple accueillant et respectueux.

Simon va pouvoir lâcher la barre, se laisser aller. C'est un homme qui a beaucoup écouté. Là, il se sent en paix, il prend le temps de contempler, de savourer. Le couple de japonais veille sur lui. Ils se distinguent chacun dans un domaine : lui dans l'art ancestral du kintsugi (kin l'or et tsugi la jointure) qui consiste à réparer un objet brisé en soulignant ses fissures avec de l'or, et elle dans la collection de tissus anciens.

Les mots tissés lors des séances sont comme les tissus précieux d'Akiko.
Son coeur éclaté qu'il apprend à reconstruire est comme les céramiques soulignées de lignes d'or de Daisuke.

Ce temps d'introspection lui permet de revenir sur les coups reçus dans sa vie. Il va apprendre à coudre les bords ouverts de ses blessures.

Un très beau livre. Peu de pages, mais que d'intensité ! 

Extraits : 
"L'amitié est plus légère, ouvre grand les possibles"
"La liberté, c'est se donner le droit à l'écart."
"Le silence permet de marcher dans sa tête  sans crainte."

"Simon ne veut plus rien que le visage de ses hôtes, la lumière douce qui baigne la pièce. Cette intimité délicate.

Son coeur a éclaté. Et ici il a une chance de ne pas le défigurer par une réparation trop hâtive. Ne plus se dérober.

S'il accepte de considérer chaque éclat patiemment, de le suivre comme le doigt suit la courbe de chaque brisure, il a une chance de retrouver peut-être la beauté de son propre coeur."

 

Lors du festival étonnants voyageurs à Saint-Malo j'ai eu la chance de participer à une rencontre avec Jeanne Bennameur. Je vous en livre quelques échanges

"Je crois que j'arrive plus à vivre en prenant en compte mon rapport au temps, un rapport plus lent, ce qui me donne plus de sérénité."

"Quant à la psychanalyse, mon trajet a été long, j'ai commencé j'avais 29 ans donc ça remonte ! et ça m'a donné beaucoup de liberté pour écrire."

"Quelquefois on a en nous les choses, elles sont déjà prêtes depuis longtemps et on ne le sait pas et puis il suffit d'un petit déclencheur et hop tout se met en route. Là c'est un bol cassé. Et c'est son propre silence qu'il va aller écouter."

"Le titre de travail du roman c'était "retrouver" à l'infinitif. Quand j'ai terminé le roman je me suis rendu compte que "retrouver", non, ça ne pouvait pas aller. Alors on a beaucoup cherché avec mon éditrice mais rien. Tout à coup, il y a eu le mot trace qui est apparu puis patience  et c'était pour moi évident et c'est devenu évident pour tout le monde."