Comment ce livre est-il arrivé entre mes mains ? Aucune idée ! Acheté suite au coup de coeur de Kittiwake ? Toujours utile que me voici en sa possession et qu'il m'a marqué.
Nous sommes dans un petit village, aux portes du désert. à quelques encablures de la ville où les habitants vont vendre leurs marchandises. Même si la pauvreté règne, les villageois vivent dans une certaine harmonie.
Mais un jour, voici que le village est encerclé par des militaires, plus moyen de sortir. Le maire n'ose pas aller demander ce qui se passe, la population ne peut plus se ravitailler, des familles sont séparées.
La peur s'empare du village, exacerbant la couardise ou la valeur de chacun. Qui a fâché les dieux pour qu'ainsi le village soit puni ? Un coupable est trouvé, et la population s'acharne. Seul le fou aux paroles prophétiques met en garde les villageois contre ce manque d'humanité.
Après l'avoir lu j'ai appris que ce roman était inspiré d'un fait réel mais je n'en sais pas plus !
Un conte à l'écriture envoûtante. Car au-delà de l'histoire, j'ai aimé la musique que l'auteur donne à ses mots. On ressent la chaleur oppressante, on est frappé par le sable et le vent, on goûte les plats et les épices. De plus, les poèmes qui parsèment le texte apportent un éclairage et une pureté particulière.
Une leçon de vie où les messages de solidarité ou de haine sont nombreux. Le poids de la société, la naïveté ou la lâcheté de certains sont contre-balancés par l'amitié et la force d'âme des femmes.
Sur le bandeau qui accompagne le livre, on peut lire : "Contre l'obscurantisme et la résignation, un magnifique chant de liberté". C'est un très bon résumé.
Je ne suis pas loin du coup de coeur. A découvrir.
Extrait : "Ziani avait quinze ans quand, un jour d’été, il a surgi sur la place du village de la Source des chèvres, pieds nus, cheveux hirsutes. Il tenait des propos incohérents, refusait d’être approché, insultait les gens, bousculait les enfants.
Il s’est assis devant le café sans rien dire, balbutiant juste quelques mots. Il est resté là jusqu’au crépuscule. Au moment de l’appel à la prière, les villageois ont rejoint la mosquée, il les a suivis. À la fin de la prière, il était encore devant la porte, l’imam l’a entraîné vers sa maison, lui a remis du pain et des dattes. Il s’est éclipsé. Personne ne sait où il a dormi. Les jours s’épuisaient. Il apparaissait, traversait la place, courait les rues, revenait, esquissait des gestes désordonnés, engueulait de temps à autre un enfant, un adulte.
C’est Baki, le maire, qui lui a proposé de s’installer dans une ruine, aux limites du village. Il lui a donné une couverture, quelques vêtements. Cela fait vingt-cinq ans qu’il y demeure. Il traîne un tronc d’arbre, des bouts de bois, une plaque de métal, il rafistole, se fabrique une couche, un bout de table, toujours en maugréant. Les habitants ont pris l’habitude de lui offrir à manger, de le chasser lorsqu’il les dérange ou les embête. Personne ne sait d’où il vient ni comment il est arrivé là. Ils l’ont affublé du nom du Fou, peut-être qu’une certaine intensité de l’être, cette capacité à capter et sentir les choses leur semblent folie car ils se croient tous sains d’esprit et sont bien incapables d’envisager la transgression.
Ziani hante le village, il court de rue en rue, écoute derrière les portes, enregistre les secrets des uns, les souffrances des autres, apprend à connaître chacun. Les jours de marché, il a pris l’habitude d’haranguer longuement la cantonade. Le voilà sur la place, au milieu des gens, la bouche pleine de mots :
Ô gens du village, braves gens
écoutez la parole venue de loin
celle des anges gardiens des cieux
les jours sombres s’agglutinent
au-dessus de vos têtes vides
ne glissez pas sur la pente fatale
ayez le sursaut de l’âme
faites parler votre cœur
cessez jérémiades et calomnies
Ô gens du village, braves gens
Écoutez les voix de la sagesse
Méfiez-vous des augures du malheur
Ignorez les griffes du tumulte"