Un livre chaudement recommandé par mon père pour qui cette lecture, qui reprend la montée de Vladimir Poutine de son accession au pouvoir en 1999 à nos jours, a été un coup de coeur.
J'ai pourtant eu du mal à entrer dans ce roman. Je ne voyais pas où l'auteur voulait en venir, ça partait un peu dans tous les sens. Et puis, à partir de la p 44 et le début des confidences de Vadim Baranov (directement inspiré de Vladislas Sourkov,) éminence grise de Poutine, j'ai été happée. Retiré en famille dans une datcha, loin du pouvoir qu'il a côtoyé au plus près pendant près de 20 ans, cet homme nous livre sa vision de l'Histoire.
Tout commence à la fin des années quatre-vingt, à la chute de Gorbatchev et du communisme. Eltsine est un pantin placé à la tête du gouvernement. Les oligarques s'emparent de l'économie du pays et s'enrichissent grâce aux privatisations à tout-va . L'imitation forcenée de l'Occident va entraîner des débauches et de l'argent qui coule à flot. Le capitalisme indécent est la marque de la Russie de ces années 90.
Un de ces oligarques, Boris Berezovsky, milliardaire et producteur de télévision, voyant que la santé d'Eltsine ne lui permettait pas de continuer à gouverner fictivement le pays, cherche à le remplacer par un homme sans trop de carrure. Il choisit le chef du KGB, un certain Vladimir Poutine, jeune et obéissant, mais finalement beaucoup moins docile qu'il n'y paraît. Celui-ci veut rétablir une « verticalité du pouvoir » et la souveraineté de l'Empire Russe. Et tout s'enchaîne. Les attentats contre des immeubles à Moscou attribués par les autorités russes à des indépendantistes Tchétchènes suivis par la guerre en Tchétchénie, la tragédie du sous-marin Koursk et le refus de Poutine de l'aide internationale pour rechercher des survivants, les jeux olympiques de Sotchi qui remettent la Russie sur le devant de la scène, l'annexion de la Crimée ou la déclaration d'indépendance de l'Ukraine jamais acceptée ...
Un livre passionnant qui se passe en une nuit dans la datcha de Baranov. Un monologue qui revient sur l'ascension de Poutine et nous permet de mieux comprendre le dessous du pouvoir mais aussi l'âme et l'esprit de la société Russe.
Le ton est un doux mélange d'imaginaire et de documentaire, d'humour et d'ironie qui allège le propos. De nombreuses anecdotes (j'ai adoré celle de Merkel et du chien) donnent une dynamique à l'histoire. On a quasiment l'impression d'être dans un polar et dans la tête de Vladimir Poutine.
Un livre qui colle à l'actualité, qui fait réfléchir et qui ne laisse pas indifférent.
Extrait : "Vous, les Occidentaux bien-pensants, croyez que [la colère] peut être absorbée. Que la croissance économique, le progrès de la technologie et, que sais-je, les livraisons à domicile et le tourisme de masse feront disparaître la rage du peuple, la sourde et sacro-sainte colère du peuple qui plonge ses racines dans l'origine même de l'humanité. Ce n'est pas vrai : il y aura toujours des déçus, des frustrés, des perdants, à chaque époque et sous n'importe quel régime. Staline avait compris que la rage est une donnée structurelle. Selon les périodes, elle diminue ou elle augmente, mais elle ne disparaît jamais. C'est un des courants de fonds qui régissent la société. La question alors n'est pas d'essayer de la combattre, mais seulement de la gérer : pour qu'elle ne sorte pas de son lit en détruisant tout sur son passage, il faut prévoir constamment des canaux d'évacuation. Des situations dans lesquelles la rage puisse avoir libre cours sans mettre le système en péril. Réprimer la dissidence est grossier. Gérer le flux de la rage en évitant qu'elle s'accumule est plus compliqué mais beaucoup plus efficace. Pendant de nombreuses années, mon travail, au fond, n'a été rien d'autre que cela."