Mahmoud ou la montée des eaux, de Antoine Wauters
Voilà un titre glané sur la blogosphère et trouvé à la bibliothèque.
Plus qu'un roman, c'est un chant. La longue plainte d'un vieil homme Syrien qui a vu il y a longtemps son village engloutie à la suite de la construction d'un barrage. Il vit dans une cabane au bord de l'étendue d'eau et plonge pour revoir les rues de son enfance. Son esprit vagabonde vers son premier amour, sa femme et ses enfants partis combattre après le printemps arabe. Au loin, il entend les rumeurs de la guerre.
Jeune professeur de lettres selon les normes du régime, il a dû suivre des règles strictes, apprendre à ses élèves à vénérer le parti. C'est à ce moment-là qu'il a vu sa maison sombrer sous le lac et parallèlement une partie de sa vie.
A l'aube de sa vie, ce n'est finalement que dans ses souvenirs et au fond du lac qu'il trouve l'apaisement alors que son pays vit dans les ténèbres de la dictature et le sang de la révolution.
Je suis rentrée avec bonheur dans ce long poème en vers libres. Un poème qui décrit l'histoire et l'amour d'un pays, d'une femme, d'une famille. Des souvenirs pleins de tendresse et de douleur dans une belle mélopée.
Extrait :
"Du jour au lendemain, ce barrage fut de tous
les discours et le lac artificiel, lui, vint à porter
son nom. Mon lac, disait-il, le lac el-Assad.
Et c'est alors que notre fleuve vit sa vie changer,
car ainsi vont les choses par chez nous.
Au besoin, on change la vie des fleuves,
on les déplace.
Ensuite on les envoie vers leur nouvelle adresse.
Moi, j'étais jeune.
Je croyais dans les livres.
Je comprenais la tristesse des fleuves, mais aussi
les révolutions voulant asservir la nature,
pour notre bien. Pour le bien de tout le monde.
J'y croyais."
"C'était le printemps.
Ce fameux printemps !
Nous voulons la révolution de la vie !
Paix et démocratie.
Quel père refuserait-ça ?
Qui ne voudrait pas de ça pour ses enfants ?
Ce jour-là, quand elle est descendue avec son sac,
son bandeau, sa gourde métallique et le fiel aux yeux,
elle nous a dit qu'elle allait se battre.
Comme ses frères.
Et tu sais quoi ?
J'avais beau ne pas le lui dire, je savais que la maladie
qui l'avait frappée allait frapper le pays.
Mais qu'est ce que le vouloir d'un père
contre la soif de liberté d'un enfant ?
Alors, je lui ai dit d'être prudente.
Et que je l'aimais."