Le chant d'Haïganouche de Ian Manook
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La suite de l'oiseau bleu d'Erzeroum qui parlait du génocide arménien et que j'avais trouvé captivant mais très dur. Il m'a fallu un petit temps de respiration avec de reprendre la saga de cette famille arménienne exilée en France.
Nous sommes en 1947, Plusieurs organisations proposent aux arméniens de France de reconstruire leur pays en Arménie soviétique. Agop, comme des milliers de ses compatriotes, répond à l'appel, contre l'avis de sa famille (Nerkaght ). Il veut partir en reconnaissance avant de les faire venir.
Mais c'est le piège de la vie soviétique stalinienne : privation des libertés, manque de moyens, délation, déportation en goulag, assassinats arbitraires …
En parallèle de la vie tourmentée d'Agop, nous suivons aussi celle d'Haïganouche, la jeune poète arménienne aveugle qui est restée en Russie. Elle aussi va connaître un bannissement en Sibérie.
Moins implacable que le précédent, cet opus historique revient sur « l'odyssée tragique de la diaspora arménienne en Russie ». J'ai appris beaucoup de chose sur cette communauté et son histoire dramatique et l'implication de la France et de certains politiques.
La vie pétulante de la famille en France apporte un côté joyeux et léger face aux exactions soviétiques.
J'ai aimé retrouver cette famille et en apprendre plus sur la communauté arménienne. Une belle saga enrichissante et pleine d'espoir malgré des passages déchirants.
Extraits :
"Il lit parce qu'il le doit, parce que ça explose sa prison, ça dynamite ses horizons noirs. Il lit parce que les jours sans lecture sont des jours qui écrasent et le rapetissent et le tassent et l'enfouissent dans le pergélisol impitoyable de la Sibérie. Il lit parce que c'est sa seule évasion possible, mais surtout parce que après ses journées de servitude il retrouve dans les livres des émotions et des sentiments qui lui ont été confisqués. Jusqu'à ce qu'il découvre la poésie. Les romans sont des océans, immenses, profonds et houleux, furieux. Les poèmes eux, sont des envols, des battements d'ailes vers le ciel, légers, immatériels presque. Et chaque oiseau qui s'élance laisse au cœur un petit manque qu’il emporte au loin avec lui. "
"Avec l’aide d’Assadour, Agop s’est fait au fonctionnement du goulag. Ce sont des camps de travail et, sauf pour les vagues de condamnations de première catégorie, on ne cherche pas à tuer les zek. On les exploite, on les presse, on en abuse, mais on ne les élimine pas. Ils sont là pour produire, pour atteindre les normes de production fixées par Moscou. Ils remplacent en fait les quarante millions de bras que l’URSS a perdus à la guerre."