Les raisins de la colère de John Steinbeck
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Après avoir découvert avec plaisir la BD « Jours de sable » qui parle de la Grande Dépression des années 30, et plus particulièrement de la situation des agriculteurs victimes de tempêtes de sable dans l'Oklahoma, j'ai souhaité lire ce livre qui était cité dans les références. Et comme je cherchais un gros livre de poche pour un voyage, et que je l'ai trouvé chez un bouquiniste... les 672 pages m'attendaient.
Nous sommes donc dans l'Oklahoma, et nous allons suivre la vie de la famille Joad, obligée de quitter leur maison et leurs cultures qui ne rapportent plus rien. Ils s'entassent tous (ils sont 11) dans un camion de fortune, et se dirigent vers la Californie où on leur promet du travail et des champs luxuriants couverts de fruits.
Le trajet sera éprouvant, l’arrivée moins positive que prévue, les migrants, arrivant par flopée, étant rejetés.
Les chapitres s'alternent entre l’histoire du pays et un point sur la famille Joad.
On suit ainsi la quête de travail, la lutte pour survivre, la fragilité de la vie, le début du syndicalisme et surtout la folie d’un système économique ultra capitaliste (voir l’extrait).
La famille fait face, tenue par une mère qui ne baisse pas les bras malgré les nombreuses embûches et dangers qui parsèment leur route.
C’est une très belle rétrospective de cette époque, fluide et prenante.
Il ne me reste plus qu’à revoir le film de John Ford de 1940 avec Henry Fonda pour finaliser mes connaissances sur le sujet.
Extrait : « Des hommes capables de réussir des greffes, d'améliorer les produits, sont incapables de trouver un moyen pour que les affamés puissent en manger. Les hommes qui ont donné de nouveaux fruits au monde sont incapables de créer un système grâce auquel ces fruits pourront être mangés. Et cet échec plane comme une catastrophe sur le pays.
Le travail de l'homme et de la nature, le produits des ceps, des arbres, doit être détruit pour que se maintiennent les cours, et c'est là une abomination qui dépasse toutes les autres. Des chargements d'oranges jetés n'importe où. Les gens viennent de loin pour en prendre, mais cela ne se peut pas. Pourquoi achèteraient-ils des oranges à vingt cents la douzaine, s'il leur suffit de prendre leur voiture et d'aller en ramasser pour rien ? Alors des hommes armés de lances d'arrosage aspergent de pétrole les tas d'oranges, et ces hommes sont furieux d'avoir à commettre ce crime et leur colère se tourne contre les gens qui sont venus pour ramasser les oranges. Un million d'affamés ont besoin de fruits, et on arrose de pétrole les montagnes dorées.
Et l'odeur de pourriture envahit la contrée.
On brûle du café dans les chaudières. On brûle le maïs pour se chauffer – le maïs fait du bon feu. On jette les pommes de terre à la rivière et on poste des gardes sur les rives pour interdire aux malheureux de les repêcher. On saigne les cochons et on les enterre, et la pourriture s'infiltre dans le sol.
Il y a là un crime si monstrueux qu'il dépasse l'entendement.
Il y a là une souffrance telle qu'elle ne saurait être symbolisée par les larmes. Il y a là une faillite si retentissante qu'elle annihile toutes les réussites antérieures. Un sol fertile, des fils interminables d'arbres aux troncs robustes, et des fruits mûrs.Et les enfants atteints de pellagre doivent mourir parce que chaque orange doit rapporter un bénéfice. Et les coroners inscrivent sur les constats de décès : mort due à la sous-nutrition – et tout cela parce que la nourriture pourrit, parce qu'il faut la forcer à pourrir.
Les gens s'en viennent armés d'épuisettes pour pêcher les pommes de terre dans la rivière et les gardes les repoussent ; ils s'amènent dans leurs vieilles guimbardes pour tâcher de ramasser quelques oranges mais on les a arrosées de pétrole. Alors ils restent plantés là et regardent flotter les pommes de terre au fil du courant ; ils écoutent les hurlements des porcs qu'on saigne dans un fossé et qu'on recouvre de chaux vive, regardent les montagnes d'oranges peu à peu se transformer en bouillie fétide ; et la consternation se lit dans les regards, et la colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim.
Dans l'âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines. »
Cette lecture fait partie du challenge des épais de l’été repris par ta d loi du ciné.
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