Cézembre de Hélène Gestern
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J'ai fini 2024 avec un coup de cœur que je vous livre.
Yann de Kérambrun est un historien qui, à l’approche de la cinquantaine et après une séparation et le décès de son père, décide de prendre une année sabbatique dans la maison familiale qui surplombe la grande plage de Saint-Malo. En commençant à ranger la maison, il découvre les carnets tenus par son aïeul qui a créé, au début du XXème siècle, une compagnie maritime innovante, ancêtre des liaisons vers les îles anglo-normandes.
A travers ces carnets, c’est toute l’histoire de la famille qui va se dessiner.
J’ai aimé que la mer soit le premier personnage de ce roman. J’ai aimé la description des embruns, les heures passées à regarder le large, les reflets de la mer qui se retire au loin, la couleur changeante de l’eau, le bruit des vagues qui se fracassent sur la digue… Ayant eu la chance de passer de nombreuses vacances dans des maisons familiales qui surplombaient cette côte d’emeraude, je me suis délectée de cet air iodé qui parsème le roman.
Mais j’ai aimé aussi l’intrigue, la recherche, les émotions, les caractères qui se dessinent, la volonté, les failles et les errements. On avance avec Yann, on suppute, on découvre … et c’est très intéressant.
Je me suis sentie bien dans ce livre, de bout en bout.
Une saga familiale au bon air breton qui m’a emportée.
Extraits : “La mer se retire, après avoir secoué la nuit de son ressac. Pendant des heures, elle a lancé une vague après l’autre contre la digue, fait mousser ses bouillons et trembler la pierre. Elle a déposé en partant ses algues, ses coquillages, ses fragments de plastique, ses bouts de bois. Elle a raconté son éternelle histoire aux éternels insomniaques, pendant que les dormeurs se laissaient bercer par sa cadence familière, quand bien même les sifflements du vent et la puissance des masses d’eau qui ravinaient le sable ébranlaient le Sillon sur toute son étendue. La mer a joué à l’archéologue et à l’explorateur, elle a absous la plage des stigmates de ceux qui l’avaient foulée, effacé leurs traces – chaussures de sport, pieds d’enfant, pattes de chien – pour en inventer d’autres, plus fondamentales : nappes lisses, vallons de gravier fin, cartographie mystérieuse de ruisseaux, d’ondes et de plis que l’œil s’épuise à parcourir. Elle a par endroits mêlé les algues, les galets, à la douceur élastique du sable ; elle a redessiné les flaques et fabriqué des miroirs d’eau, pour reconfigurer un paysage à jamais semblable et toujours différent.”
“- C'est terrible, tu ne trouves pas, d'avoir peur de la gentillesse de ses propres enfants?
Ses paroles m'avaient fait réfléchir. Après son départ, j'avais repensé aux lettres d' Octave à Julia.À ce père aimant qui donnait des nouvelles de sa nichée et s'extasiait devant les babillages d'Ernest. L'aïeul n'était pas fait de ce bois d'ébène-là .Alors où et quand avait eu lieu la cassure ?”