Terre des Oublis, de Duong Thu Huong
Ce roman traduit du vietnamien nous fait plonger dans l’après-guerre de ce pays.
Miên c’est mariée avec Bôn juste avant la guerre. Elle n'a vécu avec lui que quelques nuits, a appris sa mort peu de temps après, et à refait sa vie avec Hoan. Ils ont un fils et vivent heureux. Hoan est l’homme le plus riche du hameau. Il est respecté, doux, plein d’amour pour Miên.
Mais un jour, après 15 ans d’absence, Bôn revient. Il n’est plus que l’ombre de lui-même mais est fêté comme un héros de la guerre. Selon les convenances et les traditions, Miên doit laisser son couple et son fils pour repartir vivre avec lui.
Duong Thu Huong nous décrit cette situation intenable. Elle explore les sentiments de ces trois personnages si dissemblables et qu’un même amour unit.
D’abord Bôn, qui n’a tenu pendant 15 ans que par l’idée de retrouver Miên. Il est persuadé qu’il pourra retrouver son amour, est plein d’attention pour elle mais de manière primaire. Il est touchant et énervant à la fois.
Miên est très dure avec Bôn et avec elle-même. Elle qui était avenante, souriante et ouverte se retrouve glaciale. Elle ne parle pas, exècre tout contact mais n’a pas la force de refuser cette situation.
Hoan quand à lui accepte dans la souffrance de voir partir sa femme. Il ne fait rien pour la retenir.
Il y a dans ce livre une ambiance orientale, des odeurs, une culture ancestrale, une souffrance et une dignité qui étourdissent. On est si loin de notre société occidentale. Tous nos repères sont chamboulés. On a de la pitié pour cet homme qui cherche désespérément à retrouver l’amour de sa vie et en même temps on est fortement irrité par sa venue. Le silence et l’acceptation de la femme nous crispent, d’autant plus que ce consentement n’est qu’un leurre, puisque tout son corps refuse cette nouvelle vie.
En conclusion, je dirai que j’ai aimé l’ambiance du livre, cette écriture sublime qui nous fait voyager, mais j’ai trouvé le rythme trop lent, avec un manque de vie qui m’a un peu déçue.
Extrait :
" Miên plie soigneusement les chemises une à une, les empile, les porte vers la commode :
"Ici, je rangerai aussi les habits que je porte actuellement. Je n'emporterai que quelques vieux costumes.
- Non, il faut nous laisser les plus vieux. Prends les meilleurs."
Miên se retourne, regarde Hoan, et lentement :
"Tout ce qui porte ton odeur et celle de notre enfant appartient à la vie commune qui s'est déroulé sous ce toit. Je dois les laisser à leur propriétaire.
- Non, c'est toi la véritable propriétaire de cette demeure. Tu le sais très bien.
- Oui, autrefois... Mais c'était autrefois. Je vais bientôt appartenir à une autre maison. Nous devons accepter cette réalité."
Hoan se tait. Il prend lentement conscience de ce que sa femme vient d'exprimer. Il se sent accablé, abandonné comme une hutte ouverte, balayée par les vents.
C'est donc cela, la séparation... La séparation. Je n'arrivais pas à l'imaginer. Chacun vivra dans son coin. La maison deviendra une tombe où s'enterrent les souvenirs.
Il allume une cigarette, espérant que la fumée chassera la sensation de froid qui l'envahit. Avec la tristesse, le goût du tabac a changé, il est devenu âcre, râpeux. L'homme jette la cigarette à peine entamée dans le jardin. Voyant Miên se débattre avec les vêtements, il élève la voix :
"Miên... Tu ne trouveras rien dans ce tas de vêtements. Ils portent tous l'odeur de notre bonheur. Le mieux serait que demain tu apportes aux tailleurs la soie que je viens d'acheter. En leur payant deux ou trois fois le prix, ils accepteront de les coudre à temps.
- Les couleurs de ces coupons de soie sont toutes belles. Cela ne va pas avec l'endroit ou je vais vivre.
- Miên , pourquoi inventes-tu des prétextes pour te maltraiter?
- Laisse-moi, laisse-moi.""
Vous pouvez voir aussi les critiques de Florinette et Sylvie, qui ont beaucoup aimé.