Le village de l'Allemand, de Sansal Boualem
Basé sur une histoire authentique, ce livre porte un sous titre "le journal des frères Schiller". Le livre est effectivement constitué de deux journaux intimes : celui de Rachid Helmut dit "Rachel' et celui de Malek Ulrich dit "Malrich".
Ces deux frères sont nés, l'un en 1963, l'autre en 1977 dans un petit village d'Algérie, d'une mère Algérienne et d'un père Allemand. Ils ont tous deux débarqués en France, chez un oncle maternelle, vers l'âge de 7 ans. L'aîné, Rachel, a fait des études, s'est marié avec une française et a un pavillon et un bon poste de commercial. Le cadet a arrêté ses études en CM2, il traîne avec ses copains dans la cité.
Le tournant va se faire quand leurs parents vont être assassinés par des islamistes dans leur village. L'aîné va alors chercher à comprendre qui étaient ses parents qu'il a si peu connu.
Retour sur une période de l'Allemagne peu glorieuse, sur l'extermination des juifs, la fuite des officiers.. Quand l'un est brisé par ce qu'il découvre, l'autre fait un parallèle avec la montée de l'islamisme dans la cité : un homme fort à la tête qui édicte des lois disant "tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous. Et ceux qui sont contre nous, il faut les tuer".
Des très beaux passages émouvants, une écriture imagée "il regardait devant lui, quelque part à l'intérieur de sa tête", une grande sincérité sur la découverte du poids de l'histoire. J'ai juste parfois été troublée par ce parallèle entre l'intégrisme et le nazisme.
Extrait : "Dès que j'ai commencé à lire le journal de Rachel, je suis tombé malade. Tout s'est mis à brûler en moi. Je me tenais la tête pour l'empêcher d'éclater, j'avais envie de hurler. C'est pas possible, me disais-je à chaque page. Puis quand j'ai eu fini de lire, ça s'est calmé d'un coup. J'étais glacé de l'intérieur. Je n'avais qu'une envie : mourir. J'avais honte de vivre. Au bout d'une semaine, j'ai compris, son histoire est la mienne, la nôtre, c'est le passé de papa, il me allait à mon tour le vivre, suivre le même chemin, me poser les mêmes questions et, là ou mon père et Rachel ont échoué, tenter de survivre. Je sentais que c'était trop gros pour moi. J'ai senti aussi très fort, sans savoir pourquoi, que je devais le raconter au monde. Ce sont des histoires d'hier mais, en même temps, la vie c'est toujours pareil et donc ce drame unique peut se reproduire."