le coeur cousu, de Martinez Carole
Que de prix pour ce livre ! Prix Ouest France Étonnants Voyageurs 2007, prix Emmanuel-RoblèsEmmanuel-Roblès des lecteurs, Bourse de la découverte 2007 de la fondation Prince Pierre de Monaco.
C'est un livre voyageur de Florinette.
Merci pour cette découverte. J'ai été emportée par l'univers magique de ce livre, j'ai suivi avec peine la fuite de cette famille, j'ai été émue par Anita, l'aînée, muette au coeur pur, par Pedro et son désir inassouvi de dessin, par Soledad qui porte si bien son nom...
Difficile de faire un résumé de ce livre tant il est dense. Carole Martinez avoue que, pour ce premier roman "adulte", elle s'est imprégnée de l’histoire de ses propres ancêtres !
Soledad, à l'âge de 15 ans, reçoit un cahier et un stylo. Chacune de ses soeurs avant elle, et chacune des femmes de sa famille, a reçu un don à cette période de leur vie ou elles deviennent des femmes. Elle sera donc écrivain. Elle va écrire l'histoire de sa famille. Une histoire douloureuse et lumineuse, entre un père fou de combat de coq, et une mère perdue.
J'ai beaucoup aimé le style de l'écriture. Des phrases pleines de métaphores, très poétiques. On voit les tissus, les odeurs, les sons. On ressent les douleurs et les passions.
Voilà longtemps que je n'avais pas lu un livre si original et fascinant, que j'avais hâte de retrouver mais que j'étais triste d'avancer... Du coup, je viens de l'acheter pour moi, afin de le faire tourner dans mon groupe littéraire. Et l'exemplaire de Florinette s'envole vers Thaïs.
Extrait : " Enfin, Frasquita traversa le patio et parut sur le seuil : le cortège de femmes qui l'attendait pour l'escorter par les rues jusqu'à la petite église se glaça. Il n'y eut plus que le bruit du vent dans les voiles. Frasquita surpassait en lumières la Vierge bleue de las Penas.
Le village sentit aussitôt que cette femme prenait corps dans ces volutes de tissu blanc. Il perçut à sa démarche, à cette façon qu'elle avait d'onduler dans la lumière, à l'ampleur de son mouvement, à cette singulière pureté du geste, que cette chair prenait conscience de sa pleine mesure. Le pays s'offusqua de la voir s'avancer ainsi et étendre ses frontières, il a senti battre tambour au coeur même de ses murs.
La splendeur venait de l'exacte adéquation de la robe aux formes de cette jeune femme qui soudain remplissait le vide dans lequel elle s'était jusque là recroquevillée.
Les regards ne suffirent pas à détruire ce nouvel être qui paraissait en pleine lumière pour la première fois. Son assurance tint bon d'abord, elle ne sembla pas affectée par tous ces yeux en orbite autour d'elle, par le mouvement de la foule qu'instinctivement se tassait, se regroupait, s'amassait face à elle. Elle la trancha sans ralentir. Coupée en deux, l'énorme masse se rétractait en silence de la part et d'autre de sa trajectoire, puisse se reconstituait derrière elle dans une affreuse rumeur. Son sillage, était plein de remous, de désordre, de violence."