Un don, de Morrisson Tony
parution 04/2009, 190 p, traduit de l'américain.
Ouch... pas facile de faire un commentaire de ce livre, parce qu'il m'a fait vibrer et que j'ai été proche des larmes parfois, parce que j'ai adoré retrouver l'écriture de Tony Morrisson (d'ailleurs je compte bien relire bientôt le merveilleux "Beloved"), et en même temps... il y a tellement de choses à comprendre, à déchiffrer.. que je crois qu'il va me falloir plusieurs lectures pour bien l'apprécier.
Nous sommes en Amérique au XVIIème siècle, là ou l'esclavage existait déjà mais n'était pas réservé aux personnes noires, car certains blancs devaient de nombreuses années à leurs maîtres.
On suit l'arrivée de Florens, jeune esclave noire d'environ 8 ans "donnée" par sa mère à un couple de fermier, Jacob et Rebeka. Deux autres femmes esclaves vivent déjà dans cette ferme ou règne une atmosphère assez chaleureuse, plus proche d'un climat familial que d'un climat d'esclavage... mais est ce possible? Quand la mort et la religion s'en mêlent ... Perte d'innocence et rêves brisées...
Une écriture très fine qu'il faut prendre le temps de savourer. Ce n'est pas un livre qu'on lit rapidement On ressent la psychologie des personnages sans que cela soit directement écrit, tout est à lire entre les lignes. Ce livre est aussi une très forte diatribe contre l'esclavage et les colons.
Un très beau livre subtile qu'il faut prendre le temps de découvrir.
Extrait : "Son peuple bâtissait des villes-abrisvilles-abris depuis plus de mille ans et l'aurait fait mille ans encore sans l'avancée fatale des Européens. Pour finir, le sachem s'était complètement trompé. Les Européens ne bâtirent pas en retraite et ne moururent pas non plus. En fait, raconta la vieille femme qui s'occupait des enfants, il avait présenté ses excuses pour sa prophétie erronée et admis que, quel que fût le nombre de ceux qui allaient mourir d'ignorance ou de maladie, il en viendrait toujours plus. Ils viendraient en parlant des langues ressemblant à des aboiements de chien; avec un désir enfantin pour les fourrures des animaux. Ils ne cesseraient de clôturer la terre, de transporter par bateau des arbres entiers vers des pays lointains, de prendre les femmes pour un plaisir rapide, de détruire le sol, de profaner les lieux sacrés et de vénérer un dieu terne et peu imaginatif. Ils laissaient leurs porcs brouter la côte de l'océan, la transformer ainsi en dunes de sables sur lesquelles rien de vert ne pousserait jamais plus. N'ayant aucun lien avec l'âme de la terre, il tenaient absolument à acheter le sol, et comme tous les orphelins, se montraient insatiables. C'était leur destinée que de chiquer le monde et de recracher des horreurs qui détruiraient tous les peuples premiers."