rencontre avec les Goncourts Marie N'Diaye et Jean-Michel Guenassia
Jeudi soir, avait lieu à Rennes une rencontre avec les deux prix Goncourt : Marie N'Diaye pour son livre "trois femmes puissantes" et Jean-Michel Guenassia qui a été choisi par les lycéens pour son livre "le club des incorrigibles optimistes".
Ils sont arrivés accompagnés de trois membres de l'Académie Goncourt : Edmonde Charles Roux, la présidente, Didider Decoin et Jorge Semprun. Il y avait aussi deux lycéennes et un journaliste fort bavard. Soirée toujours très agréable, dont je vous livre quelques éléments :
On trouve dans ces "éclats de roman" que sont les trois histoires de ces trois femmes puissantes, une nécessité de se confronter à un réel qui ne doit pas nous dévorer...
Il y a dans ce livre une proximité plus importante avec l'immigration et un contact plus évident avec une réalité actuelle géopolitique.
Dans ce livre, la présence du merveilleux est plus discrète. C'était pour moi un défi de prendre en charge la réalité qu'est la dramatique immigration d'une femme d'Afrique vers l'Europe. Je craignais, sinon le faux pas, ou plutôt le manque d'attention prêté à l'existence réelle de ces gens. Je craignais de ne pas trouver la juste place pour écrire des malheurs que je n'ai pas vécu. je craignais presque à chaque phrase le développement presque obscène vers une fiction complaisante. D'où la relative absence du fantastique. J'avais la volonté d'être exacte, juste, respectueuse de ce que je traitais.
Il y a une composition très particulière de trois femmes puissantes : elles ont un maillage assez ténu entre elles. le fil conducteur, c'est le titre ?
Oui, c'est pertinent de voir les choses ainsi. J'avais le sentiment en décrivant ces trois femmes, que c'était comme une même femme prise à des lieux du monde différent, à une même époque. Un peu comme trois aspects d'une même femme si elle était vu dans un monde différent.
Une question de formes : chacune des séquences se terminent par un contrepoint ...
Avec ce contrepoint qui clos chaque volet, on a un autre regard sur le héro de l'histoire qu'on a lu. On quitte le personnage pour rejoindre une autre personne. Au lieu d'être dans les pensées ou dans le coeur des personnages, on les regarde à distance. C'est aussi la volonté de clore chaque volet sur une teinte plus joyeuse. le lecteur quitte le chapitre avec, sinon l'idée que L'histoire se finit bien, du moins l'idée que ça ira mieux.
questions du public :
- quel est la signification des oiseaux?
C'est la seule trace du fantastique : leur présence récurrente est annonciatrice de quelque chose que les personnes ignorent ...
- pourquoi chaque phrase représente un paragraphe?
C'est pour une clarté dans la page quand des phrases sont longues : chaque phrase se détache de la précédente et de la suivante.
- Pourquoi ces "éclats de roman" et cette fin assez abrupte dans la première histoire ?
Quand une vie s'achève, il reste des énigmes. J'aime cette idée de finir l'histoire sans avoir nécessairement tous les fils reliés entre eux. Une histoire qui laisse un sentiment d'inachevé est plus réaliste qu'une histoire qui a répondu à tous les mystères.
Quand on entre dans un projet pareil (sorte de fresque), n'a-t-on pas peur de partir dans trop de direction ?
Pour un livre de cette taille, il faut avoir un plan. Je connaissais l'histoire que je voulais raconter. je suis parti de la fin de l'histoire, les autres personnages sont venus se greffer dessus. Chacune des histoires des réfugiés devaient aider le personnage principal, Michel, à mûrir. Il y a des moments ou j'étais moi -même un peu perdu, mais je connaissais la fin, et elle n'a jamais changé.
Combien de temps pour écrire ce livre ?
il y a eu deux périodes. D'abord un mûrissement, une réflexion qui a duré une quinzaine d'année. Il m'a ensuite fallu 6 ans pour l'écrire. Je n'étais pas pressé car je ne recherchais pas le fait d'être édité, mais plutôt le plaisir d'écrire, l'envie de pousser au maximum les idées. Et puis, à un moment, le roman m'a échappé et a pris une autonomie. Il est devenu vivant.
Pourquoi ce titre?
La phrase qui m'enchante est "je préfère vivre en optimiste et me tromper souvent, que vivre en pessimiste et avoir raison". Les réfugiés dont je parle sont des survivants, et ils se posent la question : va-t-on se contenter de notre sphère personnelle ou peut-on agir pour changer le monde?
Ce livre vous a habité. Arrivez-vous à écrire autre chose?
Il y aura peut-être une suite, mais pour moi c'est juste une question de plaisir personnel. Si je retrouve la même intensité, je le ferai. Mais sans cette passion là, je ne le ferai pas. pour moi, la suite de ce livre sur la trahison serait un livre sur les utopies.
intervention de Jorge Semprun :
c'est un livre qui est ouvert sur le passé du monde, sur les gens. C'est un livre extraordinaire. Je suis très heureux que le Goncourt des lycéens est "rattrapé" ce livre.