Je dansais de Carole Zalberg
Un titre noté suite au coup de coeur d'Antigone. Merci pour cette découverte. Et comme j'avais déjà eu un coup de coeur pour "feu pour feu", ça m'en fait un deuxième pour cette auteure.
Un livre sur l'enfermement, la captivité, l'horreur faite aux femmes traitées comme des objets et victimes de la violence des hommes.
Il y a Marie, enlevée à 13 ans et séquestrée par Edouard, un homme défiguré qui a vu en elle son avenir et qui est persuadé qu'un jour elle va l'aimer. On a tour à tour les points de vue du bourreau et de la victime dans une écriture ciselée et magnifique qui transcende l'horreur de la situation. Car Marie veut vivre malgré tout et trouve dans le silence, dans l'inertie et dans les livres le pouvoir et la force de continuer à espérer une liberté et un avenir en dehors de cette vie de recluse.
Il y a les voix (qui m'ont émues aux larmes) de la mère et du père qui rêvent de revoir leurs filles et tremblent de ce qu'elle subit.
Et puis il y a ces passages courts et transperçants comme une lame sur toutes ces femmes de part le monde kidnappées pour devenir des jouets, des prostituées, des ventres portant un futur combattant.
Une écriture poétique, épurée et forte qui porte la voix des femmes violentées. C'est intense, dur et magnifique à la fois.
L'auteur une fois de plus, m'a happé dans une lecture sans interruption, lecture vibrante et à la limite du soutenable émotionnellement.
Bravo !
Extrait : " Et toi qui parlait tant, et vite, et fort, à étourdir tes parents et tes amis, tu ne parles plus, ou pour hurler, me salir, et moi qui ne parlait plus depuis l'exlosion, je ne cesse de le faire. Je dois couvrir ton silence ou tes cris. Je dois sans faillir te dire ce que tu fais enfermée là, avec moi. Mais les phrases se tordent en franchissant ma bouche déchirée, et tu n'entends que ça, la déformation des mots, ma voix de monstre. Tu grimaces, tu plaques tes mains sur tes oreilles. Tu me tortures. Je ne suis pas ces pauvres éructations ! Ce que je pense est beau et pur. Je suis digne de toi, ma splendeur, ma princesse. Écoute. Écoute loin, comme tu m'as vu. Je deviens fou. Je dis tiens, tiens, mon coeur, mon souffle, ma vie ! A toi seule, mon âme ! Écoute !"
"Nous sommes braves, nous résistons ou si nous nous immolons, ce n'est pas seulement parce que plus rien en nous n'est intact et dans ce désert, où puiser ? Ce n'est pas seulement pour échapper à nos bourreaux. Nous brûlons : leur forfait, pensons-nous, est dévoilé. Mais quand l'une ici se soustrait, l'autre ailleurs est prise et nous ne nous relevons jamais toutes.
Nous sommes Marie dont Edouard s'est arrogé la grâce."