Les passagères du 221, de Catherine Béchaux
Une amie de mon groupe littéraire est bénévole à l'accueil des familles de détenus d'un centre pénitentiaire, et elle a acheté ce livre, écrit lui-aussi par une bénévole de Fresnes.
Tout se passe sur une heure, dans un huis-clos représenté par le bus qui amène les familles aux parloirs. Quand on parle de famille, il s'agit surtout de femmes qui viennent voir leur mari, copain, fils ou petit-fils. On suit leurs espoirs, leurs doutes, leurs envies et parfois leurs colères. Elles transportent toutes un énorme sac de linge propre et repartiront avec un sac aussi lourd pleine des affaires sales. Ce parloir est pour elle une parenthèse dans la douleur de l'enfermement de leur proche.
Et il y a Paul, le conducteur, qui a force de faire la ligne reconnaît ces femmes, leur adresse un signe de tête et fait tout pour que le bus ne soit pas en retard à la maison d'arrêt.
Beaucoup d'empathie pour toutes ces femmes qui ont un rapport direct ou indirect avec le drame mais qui restent dignes et droites.
Un court roman plein de sincérité qui fait réfléchir et donne une belle voix à celles que l'on n'entend jamais.
Extrait : "A chaque fois, c'est pareil, Mireille a du mal à quitter l'espace réservé aux familles pour se rendre dans la salle d'accès au parloir qui lui rappelle les vestiaires des gymnases d'avant-guerre. Murs lépreux, bancs écaillés, empilements de casiers de consigne, toilettes douteuses, et les surveillants à l'abri derrière leurs vitres coulissantes, comme des postiers à leur guichet. L'antichambre de la désespérance. La foule morne des visiteurs. Chacun figé à l'appel de son nom, agrippé à sa carte d'identité après s'être dépouillé de toutes ses affaires personnelles. Rassemblement du troupeau. Ordres brefs des gardiens. Marche forcée dans le boyau criblé de néons cinglants qui s'enfonce dans les entrailles de la prison. Impression glaçante de bétail conduit à l'abattoir. Images fulgurantes de colonnes humaines apeurées et dociles, camps de la mort ... qu'elle s'en veut immédiatement d'avoir osées."