Khalil, de Yasmina Khadra
Kalil est un jeune belge de Molenbeek d'origine marocaine. Peu porté sur les études, fâché avec son père, il vivote en faisant des petits boulots. C'est en suivant son copain d'enfance Driss qu'il va être embrigadé par un groupuscule d'extremiste musulman. Décidé à devenir un martyr, il part le coeur vaillant se faire exploser près du Stade de France, mais rien ne va se passer comme prévu.
Son retour non prévu en Belgique, l'incompréhension du loupé du Stade de France, le réconfort d'un ami d'enfance, le soutien du groupuscule, la famille si proche et lointaine, la peur d'être arrêté, les personnes alentours qui discutent et refusent le terrorisme, l'impression d'être au dessus de tout par son rôle de victime ... tout ce quotidien amène des réflexions, des analyses, des critiques, une introspection. Cela nous aide à comprendre le parcours de Kalil, son envie d'en découdre, la sensation d'être enfin quelqu'un en devenant martyr.
Pendant toute ma lecture, je n'ai ressenti aucune empathie pour ce jeune homme perdu qui se révèle opportuniste, sournois, orgueilleux et colérique. Sa psychologie est assez simpliste, ce qui nous aide à comprendre comment des jeunes peuvent se laisser facilement embrigader. Par contre cela n'apporte pas de réelle profondeur au roman.
Du coup, je ne sais pas trop quoi penser et j'ai du mal à faire ma critique !
- j'ai été prise par ce roman qui se lit vite et facilement. L'écriture est fluide et pertinente, le suspense vibrant. J'ai aimé la réflexion que l'on se pose sur l'embrigadement, raisonnement qui m'a poursuivi au delà de la lecture.
- j'ai été gênée que l'auteur parte d'un fait réel et tragique comme celui du 13 mars 2015. J'attendais alors une analyse plus profonde de l'embrigadement, de ce qui se passe dans la tête d'un kamikaze, mais on n'est juste en face de petites choses déjà vues (désoeuvrement et malaise familial) qui ne peuvent tout expliquer.
En résumé, un livre que j'ai lu rapidement, qui m'a comblé par l'écriture et le suspense, mais qui m'a laissé sur ma faim en terme d'analyse psychologique.
Extrait : "J'étais une arène ambulante ; ma tête vibrait de clameurs, le pouce tourné tantôt vers le sol, tantôt vers le ciel. Le démon ne lâchait pas prise, féroce, tumultueux. Mille fois, j'étais sur le point de rentrer chez moi retrouver mon kebab, mon bistrot, les filles que j'adorait embêter à la sortie du lycée, les copains qui préféraient les tubes d'été aux prêches incendiaires, et mes DVD. Mais le Seigneur a été plus fort que mille armées de démons. Il avait suffit un soupçon d'éveil pour déloger le Malin qui squattait mon esprit. Tu ne seras jamais un Belge à part entière, m'avais promis Lyès. "Tu n'auras pas de voiture avec chauffeur. Et s'il t'arrivait, par je ne sais quel miracle, de porter un costume-cravate, le regard des autres te rappellerait d'où tu viens. Quoi que tu fasses, quoi que tu réussisses, dans un laboratoire ou sur la pelouse d'un stade, il suffirait que tu donnes un coup de boule à une fiotte pour dégringoler de ton nuage d'idole et redevenir le bougnoule de toujours. Ça a toujours été comme ça. Et ce sera toujours ainsi."