Algues vertes, l'histoire interdite, de Inès Léraud et Pierre Van Hove
J'habite en Bretagne et les algues vertes sont un sujet assez polémique dans la région. J'étais donc très intéressée par cette BD reprenant l'enquête d'une journaliste sur le sujet.
Je suis rentrée dedans très rapidement et facilement.
L'histoire commence en 2009 par la mort d'un cheval enlisé dans les algues et le malaise de son cavalier, vétérinaire. Le médecin en charge du patient lui révèle alors que cela fait vingt ans qu'il se doute de la dangerosité des algues vertes, mais que toutes ses démarches de demande d'analyses lors de morts suspectes d'hommes ou d'animaux sont restés vaines. Suite à l'alerte de ce médecin, l'Etat décide de prendre en charge le ramassage des algues en décomposition et créé un plan Algues Vertes. Malgré cela, les victimes continuent de tomber.
On suit alors toutes les démarches effectuées, les courriers des riverains inquiets, les communiqués rassurant de la préfecture alors que les analyses sont mauvaises.
L'auteur revient alors sur la cause de cette marée verte : la modernisation du système productif après la seconde guerre mondiale avec l'apport massif de pesticide, le remembrement des terres agricoles, l'arrivée de l'élevage hors-sol où les porcs ne voient plus le jour et l'extension de ces élevages. La journaliste pointe alors du doigt, non pas les agriculteurs qui sont obligés de suivre pour survivre, mais plutôt les fédérations, unions des producteurs, coopératives porcines et banques qui les entraînent à toujours plus. "Aujourd'hui en Bretagne, 1% des producteurs de porcs et de volailles sont indépendants. Les 99% restants sont intégrés dans des groupes (Triskalia, La Cooper (...)) qui organisent la profession de l'aliment jusqu'à la transformation, en passant par l'engraissement et l'abattage."
Finalement, je trouve que la conclusion revient à un diacre éleveur laitier bio : "Les agriculteurs réagissent avec agressivité parce qu'ils craignent d'être montré du doigt, ou parce qu'ils se sentent coupables. Mais ils pensent agir avec honnêteté et n'ont pas conscience de leurs peurs."
Justement, au moment ou je finissais cette BD, il y avait des actions de blocage des routes par les agriculteurs qui étaient mobilisés contre "l'agribashing".
Visuellement, je n'ai pas été particulièrement conquise par les dessins, par contre l'atmosphère dans les verts et jaunes est assez doux et permet d'avancer dans l'enquête sans se laisser emporter par la colère.
Bien sûr, cette BD ne présente qu'un petit bout de la lorgnette, mais elle met quand même en évidence l'inertie des politiques, les mensonges des administrations et le poids des lobbys agricoles et des grands groupes agro-alimentaires qui misent sur l'extension des élevages de masse. Et finalement ce sont les agriculteurs qui en pâtissent et qui ne peuvent plus sortir du système intensif à cause des prêts ou des mises aux normes qui rendent les reconversions difficiles.
J'y ai d'ailleurs trouvé une corellation avec le film poignant "Au nom de la terre" qui revient sur l’évolution du monde agricole ces 40 dernières années et pointe aussi du doigt le mal être des agricuteurs poussés vers plus de rendement.
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