Les sables savants, de Isabelle Vouin
Livre reçu lors d'une édition Masse Critique de Babelio.
Edmond a un rêve dans la vie : recevoir le Grand Prix de Littérature. Marié à Suzanne, une amie d'enfance aussi vive que lui est calme, il passe ses journées à écrire.
La seconde guerre mondiale va pulvériser son avenir. Le voici, en juillet 42, prisonnier dans un camp d'officiers français en Poméranie, tandis que Suzanne, restée à Paris, est obligée de fuir les rafles contre les juifs.
Un roman polyphonique où l'on entend tour à tour la voix d'Edmond et de Suzanne mais aussi celle d'Emile, prisonnier lui aussi, et Pedro, réfugié espagnol qui aide Suzanne dans sa fuite.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas un roman sur la vie dans ce camp, avec les difficultés de ravitaillement ou de maladie, et les intellectuels qui essaient de créer une sorte d'université dont les diplômes pourront être reconnus à leurs sorties.
Ce n'est pas non plus qu'un roman sur la seconde guerre mondiale, les rafles ou le sort des juifs.
Non, la place centrale de ce roman, selon moi, c'est l'humain. La psychologie de chaque personnage est ciselée et c'est leur rage de continuer à vivre malgré tous les aléas qui les rend fort Pour l'un se sera ce fameux roman qu'il doit écrire coûte que coûte, pour l'autre sa femme adorée et son enfant qui l'attend. Pour Suzanne c'est la résistance. Et que dire de Pedro, boulanger enfermé dans son pétrin, qui a déjà perdu une guerre et qui continue à vivre malgré tout.
L'écriture est très fluide, poétique. Les personnages sont singuliers et leurs émotions si bien décrites qu'ils deviennent vivants et profonds.
Un très beau roman sur l'histoire d'un roman, mais pas que !
Extrait :
"Pourquoi écrire dans l'absurdité de ce camp ? Qui lira Les Sables savants ? Ces feuillets auront-ils un jour des lecteurs ? Peut-être s'envoleront-ils sur les berges de l'Oder lorsque notre petit monde sera englouti sous des années d'attente vaine. Peu importe. J'ai juste envie de le ramener à Suzanne, comme un gosse ramène un bouquet de fleurs des champs à sa chérie. Là, ce sont des fleurs de champs de bataille. Des chardons. Elle se moquera de moi comme elle aime le faire. C'est sa façon à elle d'être pudique.
- Mon chéri, voilà, tu reviens de captivité et la seule chose que tu es capable de me ramener c'est un roman. Ne me dis pas que, même là-bas, tu pensais au Grand Prix ?
- Si, mon Amour.
- Et tu pensais plus au Grand Prix qu'à moi.
- Oui, mon Amour.
Je la prendrai dans mes bras, je l'étoufferai, je sentirais chacune de ses côtes, de ses vertèbres, de ses hanches, je l'enfoncerai en moi, je me perdrai en elle, je me couvrirai de ses cheveux, je la respirerai, je me l'incrusterai à vie."