La nuit du premier jour, de Theresa Révay
Nous sommes en 1896. L'industrie de la soie est florissante à Lyon. Et si les nouvelles machines viennent concurrencer les tisseurs à l'ancienne, les négociants et soyeux lyonnais sont prospères. Ils se fournissent en soie dans l'Empire Otoman, avec toujours un côté colonisateur.
Salim Zahhar, marchand de soie de Damas, a été envoyé à Lyon comme émissaire par les filateurs syriens pour défendre leurs intérêts face à l'ingérence occidentale. C'est lors de ces réunions et de son séjour à Lyon qu'il va faire la connaissance de Blanche Duverney, une jeune femme qui a grandi à Beyrouth avant d'être mariée à un notable soyeux. Le coup de foudre est réciproque et va balayer la vie morose de Blanche à Lyon, malgré ses deux enfants.
Elle va choisir le chemin de la liberté. Un chemin d'exil peuplé de fantômes, de non-dit, d'amour et de souffrance.
Au delà de l'histoire d'amour, j'ai apprécié la lecture de ce roman pour deux raisons :
- 1 - C'est un très beau portrait de deux femmes fortes : Blanche qui choisit l'indépendance malgré tout ce que cela implique. Une femme solaire et envoutante. Mais il y a aussi Geneviève Duverney, sa belle-mère. Issue de la bourgeoisie lyonnaise, elle a, au décès prématuré de son mari, repris la soierie en main et élevé ses jeunes enfants. Une femme qui nous semble, au premier abord, déplaisante et hautaine et qui s'avère, au fil du temps, bien plus sensible qu'il n'y parait.
- 2 - L'Histoire de l'empire ottoman en ce début de XXème siècle est passionnante. Dans un contexte politique instable, la première guerre mondiale participera à la chute de l'empire en 1918, les turcs ayant pactisé avec le Reicht. Pendant la guerre, la population a vu son économie locale mise à mal et a connu la famine. A l'armistice, les sentiments nationaux arabes se lèvent contre les puissances impérialistes. C'est pourtant une nouvelle forme de domination coloniale qui va être décidée, la France ayant obtenu les mandats sur la Syrie et le Liban et la Grande-Bretagne sur la Palestine et l’Irak.
Un bon moment de lecture qui fait voyager et qui instruit.
Extrait : "De sa terre natale, la jeune femme avait reçu en héritage ce sens du fatalisme, cette lucidité à accepter l’improbable puisque l’âme orientale n’a pas renoncé à la part d’irrationnel qui entre dans une existence. On ne passait pas à côté de sa vie. On en empruntait le chemin avec plus ou moins de courage, de grâce et d’élégance."