Rencontre avec Philippe Claudel et Delphine de Vigan

10 décembre 2007

Rencontre avec Philippe Claudel et Delphine de Vigan

En marge du Goncourt des lycéens, une rencontre avait lieu jeudi soir à Rennes avec Philippe Claudel, lauréat 2007 pour Le rapport de Brodeck (Stock).

Étaient également présents Edmonde Charles-Roux, présidente de l'Académie Goncourt, Bernard Pivot, académicien, Françoise Chandernagor, Didier Decoin et Delphine de Vigan (No et moi).

Le débat a porté tout d'abord sur le prix Goncourt Lycéen, avec l'intervention de Morgane, porte parole des Lycéens : "Nous cherchons dans les livres quelque chose qui nous touche, nous marque, nous transforme. On a envie de faire nos preuves. On n'a pas envie de voter pour le plus facile ou le plus court !!! Notre âge ne nous empêche pas de tout lire."

Le rapport de Brodeck nous a vraiment bouleversé. C'est à la fois très violent et très poétique. Il y a un paradoxe qui rend ce livre intéressant Pour No et moi, on a été marqué par le fait qu'il sonnait juste. L'auteur arrive à se mettre dans la peau d'une personne jeune. C'est fait avec brio. Il fait réfléchir sans coté trop moralisateur. Il nous a ému aussi.

Puis, sont venues les questions :

Comment est fait le choix de la liste des 15 livres du Prix Goncourt ?

Dider Decoin : Pendant 3 mois, on a du écluser à nous dix environ 350-400 livres. On arrive chacun avec une dizaine de titres. Puis, à force de recoupement et de rayure, on arrive à la fin à une liste de 15 qui n'est pas calculée à l'avance. Par rapport aux lycéens, on ne fait pas une liste pour eux, mais on en parle très souvent. On ne cherche pas à les surprotéger. Quand la liste est faite, il y a toujours quelqu'un qui va dire "qu'est ce que les lycéens vont en penser?". On a une compassion et un grande curiosité pour savoir ce qu'ils vont voter.

Françoise Chandernagor : Il arrive parfois que les deux Goncourt soit opposés. Mais je me réjouis que le Goncourt lycéen ne décerne pas le même livre que nous. C'est un crève coeur de ne garder qu'un seul livre et c'est un grand plaisir de donner une chance de plus à un livre de la sélection.

Edmonde Charles-Roux : Le Goncourt lycéen à 19 ans. Cette initiative n'a pas été acceptée par tous les jurys de l'époque. Nous ne nous attendions pas à un tel succès. La préoccupation de savoir ce que vont en penser les lycéens est latent mais pas dominant, et ceci depuis environ 5 ans, quand le Goncourt lycéen a pris véritablement son envol.

Bernard Pivot : Ce qui est bien c'est que le jury lycéen est au début de sa vie alors que le jury Goncourt est à la fin de sa vie !!! Il serait alors assez étonnant que nos choix se rejoignent. J'aimerai proposer à l'Education Nationale de mettre l'auteur lauréat au programme du bac de l'année suivante.

Pensez vous en écrivant vos livres qu'ils vont séduire une population de lycéens ?

Delphine de Vigan : Quand j'écris je ne pense pas aux lecteurs. J'écris ce qui résonne en moi. Ma préoccupation est de l'ordre de l'intime.

Philippe Claudel : J'adhère à ce que tu as dis. Mais je suis un lecteur qui écrit des livres plutôt qu'un écrivain. J'aime dans la lecture qu'on m'emmène dans des sentiers parallèles.

Delphine de Vigan : mais j'aime être confrontée à un public. Je ne me soucie pas du lecteur quand j'écris, ce qui ne veut pas dire que je ne m'en soucis pas lorsqu'il est paru !!! J'aime ces moments d'éclairage ou le lecteur va faire part de ses émotions et parfois vous met en lumière quelque chose que vous n'avez pas vu vous même. L'expérience est passionnante.

Questions à Philippe Claudel : Comment peut-on exprimer tant de poésie dans tant d'inhumanité ?

Philippe Claudel : L'alliance de la beauté et de la noirceur, c'est une façon de rendre compte de ce qu'est la vie humaine qui contient des puits, des abîmes et des joies, des émerveillements. Le roman c'est comme le miroir de la vie.

Pourquoi cette volonté de faire un livre universel?

Ce qui est intéressant, c'est de donner aux lecteurs une sorte d'assise historico-géographique, et ensuite d'amener des éléments qui sabotent cela. Du coup, on amène le lecteur vers la parabole. Ce serait trop simple de penser que le génocide vient d'un seul pays et d'un seul moment.

Vous avez dit que ce livre était la fin d'une trilogie ? (Les Âmes grises, M Linh et Brodeck)

C'est effectivement le sentiment qui est né en moi après avoir achevé ce roman. C'est une sorte de trilogie sur le questionnement de la condition humaine au moment du fracas.

En fait, j'ai été très marqué par une histoire que m'a raconté ma mère quand j'avais 9/10 ans : un jour, alors qu'elle avait elle aussi 9/10 ans, deux soldats allemands sont venus dans sa classe pour prendre deux petites soeurs juives. Elles ont été déportées à Auchwitz et ne sont jamais revenus. Ça a été une fêlure dans mon monde. Comment peut on pouvoir chercher deux petites filles dans la campagne Lorraine pour les amener à la mort? C'est peut être directement lié à ce questionnement. Ce que j'ai écris à été comme une spirale.

Du coup, j'ai l'impression que c'est le dernier livre pour moi.....

Voilà, en résumé, les points forts de cette conférence.

Sont venus ensuite les signatures. J'ai donc pu rencontrer Delphine de Vigan, ultrasensible, et Philippe Claudel avec qui j'ai eu une petite conversation sympa et qui m'a dédicacé mon livre... "un roman, des gouffres" !!!

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Commentaires

Béatrix

11/12/2007 10:21

j'avais l'intention de lire Delphine de Vigan et quand à Philippe Claudel je l'ai vu à la fnac de Dijon il est tout simplement adorable.et passionnant..je comprends que tu ai aimé..