Lacrimosa, de Jauffret Régis
J’ai été très émue par ce livre qui m’avait pourtant énervé dans les 50 premières pages…
L’auteur écrit des lettres à Charlotte, amour éphémère qui s’est pendue le 21 mars 2007. Et Charlotte lui répond de l’au-delà.
Je n’ai donc pas aimé les 50 premières pages, l’auteur délirant dans ses lettres, écrivant une vie pleine de rêve ou Charlotte serait sauvée, refusant le réel. C’est Charlotte qui le remet dans le vrai, lui demandant d’écrire : « Tu mens, tu mens beaucoup, tu mens trop, et je ne veux pas devenir un mensonge. Ne me pousse pas à tout bout de champs dans les ténèbres de ton imagination. J’en sors couverte de suie. »
Et les lettres reprennent de manière plus posée, à Djerba, lors d’une escapade en amoureux. On sent monter le désespoir de cette jeune femme qui n’arrive pas à accrocher le bonheur, qui court après l’amour et se consume inexorablement.
On ressent aussi la peine de l’auteur qui, par peur de s’engager ou d’avouer son amour, ne va pas la retenir. « Malgré ma peur d’aimer, je me souviens à présent qu’il m’est arrivé de vous aimer. »
A chaque fois que l’auteur dérape vers l’imaginaire, Charlotte le reprend « Mon pauvre amour ».
J’ai beaucoup aimé aussi le vouvoiement de l’auteur vis-à-vis de Charlotte, ce qui montre une certaine réserve, comme celle qu’il a eu pendant toutes leur relation, la réserve d’un homme établi dans la vie qui n’ose pas avouer son amour à une jeune femme. Charlotte, au contraire, le tutoie et l’apostrophe, elle est beaucoup plus dans la passion.
Une belle preuve d’amour pleine de réserve et d’émotion.
Extrait : « Je vous en voudrai toujours de m’avoir quitté, il y a des ruptures qu’on ne peut pardonner. Vous m’avez prouvé que la peine de mort ne sera jamais abolie, puisqu’on peut châtier les autres en se l’infligeant à soi-même. Vous auriez pu au dernier moment vous consentir un dernier sursis, décider une révision de votre procès, vous renvoyer délibérer encore, et commuer votre peine en existence à perpétuité. Un accident, la maladie, la vieillesse, se seraient chargés un jour de votre levée d’écrou. Il ne faut jamais désespérer de la mort, elle ne déteste personne au point de lui refuser éternellement le droit d’asile. »