Syngué sabour, de Rahimi Atiq
J’avais lu il y a quelques années « Terre et cendres », son premier livre, et j’avais été sous le charme de cette écriture concise,de cette histoire douloureuse qui est comme un cri.
C’est donc avec plaisir que je me suis plongée dans son nouveau livre.
J’ai été désarçonnée au début, je ne m’attendais pas du tout à cette écriture. On a l’impression que l’on nous décrit une pièce de théâtre. Tout se passe dans une minuscule chambre, à la troisième personne : « La femme vient jeter un regard inquiet à l’homme », « Une petite fille pleure. Elle n’est pas dans cette pièce »…. Ce qui ne nous aide pas à nous sentir proche de ce qui se passe. Il faut attendre un certain temps pour que la situation s’anime avec … un monologue !!! Mais quel monologue !
Nous sommes en Afghanistan, en pleine zone de combats. Une femme s’occupe de son mari plongé dans le coma après avoir reçu une balle dans la nuque. Peut à peut, elle va lui dévoiler ses secrets, sa détresse, toute sa vie intime qu’il n’a jamais su ou voulu voir et écouter. Son discours, parfois haché, nous plonge dans la vie d’une afghane, mariée à 17 ans avec un combattant qu’elle ne connaît pas, espérant son regard et son amour, risquant d’être renié quand elle n’enfante pas assez vite, et prête à tout pour le garder, pour ne pas se retrouver seule.
Une femme émouvante et vivante, perdue dans ce pays en guerre et ces combattants qui n’ont aucune humanité. Une femme qui voudrait juste un peu d’amour, un peu de tendresse et qui n’a jamais connu que la violence d’un père et le silence d’un mari. Seul son beau père et une tante ont su lui montrer un peu de bonté et d’échange.
Un monologue bouleversant, un conte moderne qui ne laisse pas indifférent. Une écriture très belle, sensible et féminine, et en même temps un peu déroutante par l’aspect extérieur de la troisième personne.
Extrait : « J’ai enfin compris que la tentative de t’abandonner à la mort n’était pas la cause de mon soulagement ». Elle s’étire. « Tu me comprends ?... en fait ce qui me libérait, c’était d’avoir parlé de cette histoire, l’histoire de la caille. Le fait de tout dire. Tout te dire, à toi. Là, je me suis aperçue qu’en effet depuis que tu étais malade, depuis que je te parlais que je m’énervais contre toi, que je t’insultais, que je te disais tout ce que j’avais gardé sur le cœur, et que toi tu ne pouvais rien me répondre, que tu ne pouvais rien faire contre moi… tout ça me réconfortait, m’apaisait. »