Pas assez pour faire une femme, de Benameur Jeanne
Livre de la rentrée - 5ème lu (dont 2 jeunesses) - challenge 1% Hérisson
On est dans les années 70. Judith, la narratrice est en première année de fac et tombe éperdument amoureuse d'un garçon un peu plus âgé. Pour elle, c'est la première fois. La première fois qu'elle fait l'amour, mais aussi la première fois qu'elle embrasse un garçon, qu'elle est amoureuse, qu'elle partage. Car elle vient d'une famille où la parole est interdite, où son père tient toute la famille sous sa coupe. Elle se tient à l'écart, ne se sent pas à sa place. On sent une rage et une détresse profonde au fond d'elle.
Petit à petit, dans les moments de partage avec son amoureux, elle va comprendre d'ou lui viennent ses peurs qui la paralyse et l'empêche de vivre. Elle est tellement bien avec lui qu'elle peut se permettre de plonger dans ses cauchemars. La lutte pour la liberté qu'elle porte en elle peut se vivre dans la lutte contre l'opression que lui propose son ami. Et avec cet éveil à la conscience politique, vient le courage de la vérité. Cette liberté nouvelle où la parole a sa chance, où on écoute, on échange. Sa vie est une lutte entre son passé sombre et son avenir qu'elle espère lumineux.
Beaucoup de thèmes sont développés dans ce court roman : le droit des femmes, la liberté de parole, le secret de famille, l'éveil à la conscience politique, l'amour .. et tout est abordé avec délicatesse et sensibilité.
On suit l'a métamorphose de Judith comme si on voyait un papillon sortir de sa chrysalide. Un texte intimiste et très fort porté par une belle écriture avec une ponctuation étonnante.
Jérôme a beaucoup aimé tout comme un autre endroit, coup de coeur pour Noukette.
C'est un roman qui a été édité en "jeunesse". Je ne le conseillerai cependant pas avant le lycée (première, terminale).
Extrait : "C'est à cette époque que j'ai commencé à tenir un journal de façon très sérieuse. Tout était écrit là. Mes débuts amoureux qui voisinaient avec mes découvertes de lecture et les débats politiques qui nous enflammaient.
Tout en moi s'ouvrait. Les heures que j'avais passées à travailler, seule dans la chambre à mon bureau, pour échapper à l'atmosphère familiale, donnaient leurs fruits. Mon esprit allait vite. Je lisais avec ardeur et j'entrais facilement dans la pensée de celles et ceux qui m'avaient précédée. Je me sentais à l'aise avec les écrits que je dévorais. Ils me protégeaient de tout. En parler ensuite avec Alain et avec les autres, c'était créer ma vraie famille, avec les vivants.Pierre, notre prof, avait vite repéré ce "feu sacré" pour l'étude. Il m'encourageait à poursuivre loin. Moi je ne pensais pas à l'avenir. C'était le présent qui m'occupait tout entière. Chaque jour était un monde et la vie enfin était une aventure."