Profession du père, de Chalandon Sorj
Sorj Chalandon avait déjà abordé dans certains de ses livres les relations douloureuses qu'il a eu avec son père.
Dans ce roman, qui débute au crématorium au moment des funérailles de son père, le narrateur revient sur son enfance et sur les rapports très particuliers qu'il a eu avec lui.
Ce père était un homme mythomane, qui s'est inventé des vies de héros. Tour à tour instigateur des Compagnons de la chanson, agent secret, ceinture noire de judo, pasteur, parachutiste ... il entraîne son fils d'une douzaine d'années dans ses délires. Celui-ci est fier d'avoir un père si "hors-norme", et quand il va falloir passer à l'action pour libérer l'Algérie et tuer De Gaulle, il est prêt à prendre tous les risques.
Ce père est aussi brutal. Claques, nuits enfermées dans l'armoire, peur.
Et la mère dans tout ça ? Et bien elle ne dit rien, elle vit sa petite vie sans intervenir, juste parfois quand le père va trop loin, mais elle ne dément pas, reste stoïque, ne voit rien (ou tout du moins fait semblant de ne rien voir). Ils n'ont pas d'amis, ne reçoivent pas, ont rompu avec leurs familles.
Autant j'ai été très émue par la deuxième partie du livre, quand le narrateur est adulte, autant j'ai eu plus de mal a entrer dans le livre quand le narrateur est petit. Pourtant on vit avec l'enfant, on respire avec lui, on voit les mensonges gonfler, et petit à petit étouffer sa vie. Mais c'es tellement "énorme" pour nous qui sommes adultes et qui voyons toutes les ficelles tirées par cet homme, que j'ai eu du mal à y croire.
La relation père-fils est faussée par tous ces mensonges. Malgré tout il n'y a pas de rancoeur mais au contraire beaucoup d'amour. "et je m'en voudrais tellement de toujours l'aimer".
L'écriture de Sorj Chalandon est toujours aussi subtile et délicate. Beaucoup de choses passent entre les lignes et l'humour n'est jamais loin, qui permet de dédramatiser les moments les plus poignants.
Un beau livre pour vivre enfin et refermer les plaies de l'enfance.