Caché dans la maison des fous, de Daeninckx Didier
J'ai rencontré l'auteur lors des escales de Binic. L'entendre parler de son livre et échanger avec lui m'avait donné très envie de découvrir ce roman qui se base sur des faits historiques.
1943, en Lozère. L'asile de fous de Saint-Alban accueille sept cent malades, sans compter une quarantaine d'enfants et les membres du personnel et de l'encadrement. Parmi eux se cachent des résistants et des juifs traqués.
C'est dans ce cadre que vont se rencontrer deux résistants qui fuient les nazis : Paul Eluard réfugié avec sa femme Nusch, et Denise Glaser qui, à l'époque, est une jeune femme de vingt-trois ans et qui deviendra productrice et présentatrice à la télévision de l'émission Discorama.
On assiste à leur rencontre, mais aussi (et surtout), Paul Eluard ouvre les yeux de Denise sur l'art brut produit par certains malades. C'est le cas notamment d'Auguste Forestier, interné à Saint-Alban, qui sculpte et construit des objets en matériaux de récupération. Paul Eluard va acquérir trois sculptures qu'il va montrer à la fin de la guerre à Picasso, Queneau et Dubuffet. Paul Eluard va aussi profiter de cet exil pour lancer les éditions clandestines de la "Bibliothèque de France".
Très intéressant aussi la place des malades dans l'asile. Le directeur Lucien Bonnafé et un psychiatre François Tosquelles ont transformé cet hôpital. Alors que les fous étaient attachés et parqués, ils vont peu à peu essayer de les intégrer à la vie de l'établissement en modifiant le rapport soignés/soignants, en créant un espace de vie avec potager, jardin, ateliers manuels. Ils vont prendre en compte la souffrance psychique et être à l'origine de la "psychothérapie institutionnelle". Grâce à cela, peu de malades de cet asile vont mourir pendant la guerre, alors que près de 40.000 malades mentaux vont disparaître, victimes des directives sanitaires du régime de Vichy.
J'ai trouvé ce livre non seulement très intéressant mais en plus bien écrit. Sous forme d'un roman on suit cette rencontre improbable qui nous permet de toucher à l'art, à la résistance, à la psychologie. C'est très bien fait.
Par contre j'ai été vraiment frustrée par la brièveté du roman. J'aurais aimé que soit beaucoup plus développé le travail du psychologue, l'art brut découvert par Eluard mais aussi les poèmes qu'il a écrit à cette période. Car dès 1930 Paul Eluard et André Breton ont travaillé autour de la parole des aliénés. Paul Eluard se fait confident de certains malades. Dommage qu'on n'en sache pas plus dans ce roman. Tout n'est que survolé, et le roman s'arrête un peu abruptement.
En tout cas ça m'a donné envie d'en connaître plus sur ces protagonistes et je vais essayer de me procurer le recueil "souvenirs de la maison des fous" de Paul Eluard.
Le cimetière des fous
Ce cimetière enfanté par la lune
Entre deux vagues de ciel noir
Ce cimetière archipel de mémoire
Vit de vents fous et d'esprit en ruine
Trois cents tombeaux réglés de terre nue
Pour trois cents morts masqués de terre
Des croix sans nom corps du mystère
La terre éteinte et l'homme disparu
Les inconnus sont sortis de prison
Coiffés d'absence et déchaussés
N'ayant plus rien à espérer
Les inconnus sont morts dans la prison
Leur cimetière est un lieu sans raison
(Asile de Saint-Alban, 1943) Paul Eluard