Après son accident, Sylvain Tesson est resté un certain temps coincé dans un corset sur un lit d'hôpital. Et il s'est promis, s'il remarchait, de traverser la France à pied. Un an après, le 24 août 2015, le voilà parti du Mercantour pour rejoindre le Cotentin en traversant la Provence et le Massif Central. Sac au dos, il a décidé d'essayer d'emprunter uniquement des petites routes, celles qui sont indiquées en noir sur les cartes IGN au 25 000e .
On le suit donc dans ce voyage de baroudeur. Sentir peu à peu son corps, encore très endommagé, répondre aux sollicitations. Retrouver la plénitude de dormir en pleine nature. S'arrêter sur la beauté qui nous entoure, sans aller à des milliers de kilomètres. Partager, parfois, quelques jours avec un ami. Faire le constat amer de l'industrialisation des campagnes et villages.
J'ai admiré cette force de se relever, d'aller de l'avant quelques soient les souffrances.
J'ai aimé découvrir ces régions par le côté des ornières et des sentiers. Voir à travers l'oeil de l'auteur toute la beauté de ces paysages encore sauvages.
J'ai eu plus de mal avec son écriture que j'ai trouvé parfois trop "ampoulée" pour ce genre de récit et sa posture assez intellectuelle quand il s'agit de réflexion sur la société.
Une lecture en demi-teinte, donc.
"Passages secrets, les chemins noirs dessinaient le souvenir de la France piétonne, le réseau d'un pays anciennement paysan. Ils n'appartenaient pas à cette géographie des "sentiers de randonnées", voies balisées plantées de panonceaux ou couraient le sportif ou l'élu local. Même à proximité d'une agglomération, la carte au 25 000e livrait des issues : une levée de terrain, un talus discret, une venelle. Partout, l'ombre avait des survivances. Jusqu'au coeur des zones urbaines s'enfonçaient des coulées. Si renards et furets réussissaient à gagner le centre des villes d'Europe par les fossés et les contrescarpes, nous aussi pouvions tenir sur des fils invisibles. Relier ces chemins à travers le pays ralentirait ma progression mais offrirait des avantages : ne pas s'infliger les traversée périurbaines, éviter la brûlure du goudron."
" Tout corps après sa chute -- pour peu qu'il s'en relève -- devrait entreprendre une randonnée forcée. L'effort, depuis le Mercantour, faisait son office de rabot, ponçait mes échardes intérieures. Je demeurai ce soir-là assis sur un banc de pierre contre le mur d'une maison, devant les prés salés. En face, la ligne de côte de Cancale. Au nord, la brume gazeuse de la mer et du ciel. Au sud, une lumière de tableau italien. C'étaient le moment de faire mes dévotions à la marche, à ma mue, à ma chance."