Les ciels furieux de Angélique Villeneuve
Mon premier achat de la rentrée littéraire.
Henni a huit ans et vit avec ses parents et ses 5 frères et soeurs dans un shtetl (bourgade juive d'Europe Centrale) au début du XXe siècle. La mère est passive, amorphe, alors c'est Zelda, la grande soeur de 12 ans, qui lui apprend tout ce qu'elle doit savoir : s'occuper de la maison, cuisiner, prendre soin des trois bébés...
Tout bascule quand des hommes pénètrent dans la maison pour casser, piller et tuer. Les trois aînés arrivent à s'enfuir.
On suit les pensées de Henni pendant 24h, ses souvenirs de la vie d'avant, son incompréhension de ce qui se passe, son refus de réaliser. Elle est à la fois très mature, une petite femme qui a pris l'habitude dès son plus jeune âge de prendre soin des autres, et très puérile, notamment dans ses décisions.
Au-delà de la barbarie des pogroms, de la peur, du froid, de la faim ou de la mort, il y a la résistance de cette petite fille perdue, son courage porté par l'amour de sa famille et son rôle de seconde maman. L'autrice a réussi à parfaitement incarner cette petite fille et c'est comme si on était à l'intérieur de son corps. Dans l'écriture, Henni passe du "je" au "on", comme si elle voulait, en utilisant la troisième personne, se détacher de ce qu'elle vit.
Une écriture imagée et sensible qui garde une part d'espoir.
Extrait : "En route, il y a le vent.
Dans la lumière qui se soulève derrière le hangar à bois, dans le froid qui hache les poumons dès la sortie de la briqueterie, elles vont faire des détours pour rentrer.
Zelda l'a dit avant qu'elles ne franchissent la porte. Il faut éviter les dangers. Il faut quitter la route. On sera des fantômes de neige, elle a dit.
Aujourd'hui, marcher dans les rues ou sur les chemins boueux au-delà du shtetl, dans la forêt, n'est plus vraiment marcher. Marcher, c'est échapper. Est-ce-qu'elle comprend ? Il y a le mal qui remplit l'air, ici, là, partout. Est-ce qu'elle se souvient de ce qui s'est passé ? Personne ne doit les voir."