Certaines n'avaient jamais vu la mer, de Otsuka Julie
parution 04/2012 - 139 p.
Je reste dans l'univers japonais avec ce roman historique que j'avais très envie de découvrir.
Nous sommes au début du XXème siècle. Des jeunes femmes japonaises de milieu souvent simples (pêcheur, agriculteur ...) ont accepté de se marier avec des japonais vivant aux États-Unis, près de San Fransisco. Ce sont des marieurs qui ont effectué les "transactions". De leurs maris, elles n'ont qu'une photo, photo qui va se révéler loin de la réalité... Elles ont rêvé d'une vie facile dans une grande maison. Les voici obligées de travailler dans les champs en louant des terres (les japonais n'ont pas le droit d'avoir leur propre terre), de travailler comme bonnes dans ses grandes maisons qu'elles rêvaient d'habiter, de travailler comme blanchisseuses et même, pour certaines, comme prostituées.
Elles mentent à leurs parents, honteuses de leurs conditions.
Leurs enfants se fondent dans le moule américain et rejettent les traditions de leurs parents.
Malgré leurs travails, ces japonais n'ont jamais tout à fait été acceptés par la population, et quand la guerre éclate, ils se retrouvent considérés comme l'ennemi. Les américains en ont peur. Soupçonnés de complots et d'espionnages, ils vont recevoir une ordre d'évacuation et vont être parqués dans des camps.
Ce qui est étonnant dans ce livre, c'est l'écriture. Plutôt que, d'une manière "classique", suivre l'évolution sur une quarantaine d'années d'une famille ou de quelques familles, l'auteure fait parler toutes les femmes... Ce sont donc des paragraphes entiers de "nous" qui portent des histoires souvent dures, un "nous" qui les rassemblent formant comme un choeur antique. Beaucoup de répétitions dans le début des phrases pour nous montrer que même si leurs vies sont parfois différentes, leurs rêves et leurs désirs se rejoignent.
Je n'ai pas été gênée par cette construction, mais je comprends qu'on puisse l'être.
Un très bon roman.
Extrait : "Nous avons accouché sous un chêne, l'été, par quarante-cinq degrés. Nous avons accouché près d'un poêle à bois dans la pièce unique de notre cabane par la plus froide nuit de l'année. Nous avons accouché sur des îles venteuses du Delta, six mois après notre arrivée, nos bébés étaient minuscules, translucides, et ils sont morts au bout de trois jours. Nous avons accouché neuf mois après avoir débarqué, de bébés parfaits, à la tête couverte de cheveux noirs. (...). Nous avons accouché dans des fermes reculées d'Imperial Valley, avec la seule aide de nos maris, qui avaient tout appris dans Le Compagnon de la ménagère."
Clara a bien aimé même si elle a parfois été déroutée par le "nous", idem pour Canel ,une très belle découverte pour Aproposdelivres .